Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 126
Le jeudi 18 mai 2023
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La Semaine nationale de la police
- La Gendarmerie royale du Canada
- Visiteurs à la tribune
- La Journée mondiale de l’Afrique
- Visiteurs à la tribune
- Les pensions de l’État britannique
- Visiteurs à la tribune
- Le drapeau haïtien
- Visiteurs à la tribune
- Le Cambridge Sports Hall of Fame
- Visiteurs à la tribune
- L’honorable Margo Greenwood, O.C.
- La Semaine nationale de la police
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Le Bureau du Conseil privé
- Les relations Couronne-Autochtones
- Les affaires étrangères
- Le Bureau du Conseil privé
- Les transports
- La Société canadienne d’hypothèques et de logement
- Les finances
- La sécurité publique
- Réponses différées à des questions orales
- La Société canadienne d’hypothèques et de logement
- Les affaires étrangères
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées
- Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada
- Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)
- Le Sénat
- Projet de loi sur la sécurité des postes au Canada
- Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
- Régie interne, budgets et administration
- L’étude sur les dispositions et l’application de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales
- Affaires étrangères et commerce international
- Le rôle et le mandat de la GRC
- Affaires sociales, sciences et technologie
LE SÉNAT
Le jeudi 18 mai 2023
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Semaine nationale de la police
La Gendarmerie royale du Canada
L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner trois événements importants. Tout d’abord, il y a malheureusement les funérailles d’un autre héros canadien : le sergent Eric Mueller de la Police provinciale de l’Ontario a été assassiné dans l’exercice de ses fonctions et se fait enterrer ici aujourd’hui. Paradoxalement, ces funérailles ont lieu pendant la Semaine nationale de la police, qui est censée servir d’occasion pour commémorer les policiers tués en service et de rappel à tous que le maintien de l’ordre au Canada est une activité réciproque qui exige que la police et les citoyens travaillent ensemble pour rendre nos collectivités plus sûres.
Il s’agit aussi du 150e anniversaire de la Gendarmerie royale du Canada. Le 23 mai 1873, un projet de loi portant sur la création d’un service de police national a été adopté en réponse à l’empiètement des Américains sur le 49e parallèle dans l’Ouest canadien, ce qui menaçait notre souveraineté et la vie des Autochtones qui vivaient dans cette région en tant que premiers peuples. Le 150e anniversaire célèbre un service de police moderne qui compte plus de 20 000 agents et employés qui servent avec dévouement et courage dans les collectivités d’un océan à l’autre et qui dirigent des enquêtes internationales complexes et des missions de maintien de la paix dans des régions en conflit partout dans le monde.
Comme vous le savez, cela a été une année difficile pour les policiers au Canada. En effet, depuis septembre dernier, 10 policiers sont morts dans l’exercice de leurs fonctions, ce qui constitue un record, et nous ne sommes qu’en mai. Ce que toutes ces personnes avaient en commun, c’était une forte volonté d’aider leur prochain. Lorsqu’elles sont rendues au travail cette journée fatidique, elles étaient loin de se douter qu’elles ne reviendraient plus jamais chez elles. Le mouvement qui prône le définancement de la police et la dépréciation de toutes nos institutions, y compris les services de police, sont à l’origine de cette tendance alarmante que, à mon avis, nous devons tous contribuer à arrêter.
Dans le cadre du 150e anniversaire de la Gendarmerie royale du Canada, j’ai eu l’occasion de participer avec ses membres à diverses célébrations à Langley, à Vernon et à d’autres endroits dans ma province, la Colombie-Britannique. Les membres de la nouvelle génération de la GRC sont bien éduqués, bien formés et représentatifs des diverses communautés qui caractérisent aujourd’hui notre nouveau Canada. Leur énergie, leur professionnalisme, leur courage et leur compassion reflètent leurs valeurs fondamentales et sont, pour le moins, inspirants. Étant donné les difficultés liées au travail de policiers ces jours-ci, toutes ces compétences seront mises à l’épreuve. Durant mes années de service, quand j’avais besoin d’aide, des passants s’empressaient de m’aider. Ces jours-ci, malheureusement, ils s’empressent de prendre une vidéo.
Nous devons nous rappeler que — tout au long de la Semaine nationale de la police, de l’année du 150e anniversaire de la GRC et au-delà — les policiers de l’ensemble du pays travaillent pour protéger les bons des méchants. Ils méritent notre soutien, alors qu’ils risquent leur vie pour nous tous.
C’est dans cet esprit que je souhaite dire merci à tous les représentants des forces de l’ordre pour leur service et leur sacrifice.
Meegwetch. Merci.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Tiffany Callender, de Gilbert Bandé Obam et de Nadia Djadjo. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Gerba.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée mondiale de l’Afrique
L’honorable Amina Gerba : Madame la Présidente, félicitations pour votre nomination comme 46e Présidente du Sénat!
Chers collègues, à l’heure où nous nous apprêtons à célébrer la Journée mondiale de l’Afrique, le 25 mai prochain, je tiens à souligner l’apport remarquable de la diaspora africaine aussi bien pour son continent d’origine que pour ses pays d’accueil. La diaspora africaine fait référence à toute personne d’ascendance africaine vivant hors du continent. En 20 ans, la diaspora africaine a plus que triplé au Canada, passant de 300 000 personnes en 2000 à 1,3 million en 2021.
Enracinés dans un sentiment d’appartenance patriotique, les Africains de la diaspora sont des bâtisseurs naturels de ponts socioéconomiques et culturels avec leurs pays d’adoption.
Partout dans le monde, des figures africaines se sont imposées dans différents secteurs, notamment les arts et la culture, l’enseignement, la politique, la recherche et particulièrement les affaires, où ces femmes et ces hommes brillent. L’histoire du Canada en témoigne.
En effet, depuis l’arrivée de Mathieu da Costa, premier Africain arrivé au Canada au début du XVIIe siècle, de nombreuses personnes d’origine africaine ont façonné le patrimoine de notre nation. Pensons notamment à Lincoln Alexander, Viola Desmond et Oscar Peterson.
Je souligne d’ailleurs la présence à la tribune de certains membres influents de la diaspora africaine du Québec : Souad Elmallem, Fidèle Toghoua, Henriette Mvondo et Cyrille Ékwalla. Il y a également plusieurs autres membres de la diaspora qui seront signalés plus tard, du Groupe Excellence Québec et de l’organisme United Actions for Africa. Ceux-ci prendront part à la célébration des 20 ans de l’Association parlementaire Canada-Afrique.
Chers collègues, nous pouvons nous inspirer de nos voisins du Sud qui ont su mettre sur pied un organisme nommé Prosper Africa, pour orienter la stratégie africaine de l’administration Biden-Harris. Pour ce faire, notre pays peut et doit compter sur l’engagement et le dynamisme entrepreneurial de sa diaspora africaine pour porter une telle initiative, et bien plus.
Merci de votre attention.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Andrew Howe et de Jillian Phillips. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Bernard.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les pensions de l’État britannique
L’honorable Percy E. Downe : Chers collègues, comme vous le savez peut-être, le gouvernement du Royaume-Uni n’indexe pas la pension de l’État britannique de plus de 120 000 résidants du Canada, bien qu’il le fasse dans divers autres pays, comme les États-Unis, la Macédoine du Nord, le Kosovo, la Norvège, la Pologne, le Danemark et ainsi de suite. Ce n’est toutefois pas le cas pour les retraités vivant au Canada.
La politique du gouvernement britannique contraste fortement avec celle du Canada, où les pensions sont toujours indexées, quel que soit l’endroit du monde où vit le bénéficiaire. Cette situation est non seulement injuste pour les personnes dont les pensions diminuent régulièrement en raison de l’inflation, mais elle représente également un montant estimé à 450 millions de dollars qui n’entre pas dans l’économie canadienne, avec tous les avantages qui en découleraient. Je dispose d’une correspondance datant d’une douzaine d’années, qui émane du gouvernement du Canada et qui décrit les efforts qu’il a déployés pour que le Royaume-Uni corrige ce problème. À ce jour, le gouvernement britannique a refusé de modifier sa politique.
(1410)
J’invite mes collègues du Sénat à se joindre à nous pour soutenir nos concitoyens canadiens et pour ajouter 450 millions de dollars à l’économie canadienne, en demandant au gouvernement du Royaume-Uni de résoudre ce problème.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Dorothy Rhau, de Jaël Élysée et de Paula Caldwell St-Onge. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Mégie.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le drapeau haïtien
Le deux cent vingtième anniversaire
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 220e anniversaire du drapeau haïtien. Celui-ci a été hissé ce midi devant le Parlement.
Le 18 mai 1803, le général Jean-Jacques Dessalines arracha du drapeau tricolore français la partie centrale de couleur blanche considérée comme le symbole des colons blancs français.
Mme Catherine Flon a pris les deux morceaux restants, le bleu et le rouge, et les a cousus ensemble pour symboliser l’union des Noirs et des mulâtres. Ainsi est né le drapeau haïtien.
En son centre figurent les armoiries du pays. On y retrouve le palmiste, surmonté du bonnet de la liberté et ombrageant de ses palmes un trophée d’armes avec comme légende : « l’Union fait la force ».
Malgré tous les remous qu’Haïti traverse depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui, le drapeau d’Haïti demeure un symbole fort d’unité et d’espoir pour sa population et sa diaspora.
[Note de la rédaction : La sénatrice Mégie s’exprime dans une autre langue.]
Je souhaite à toutes mes sœurs et tous mes frères haïtiens un bon 220e anniversaire du drapeau d’Haïti!
Je vous remercie.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Louise Guérette, de Julie Gagné et de Yaël About. Elles sont les invitées de l’honorable sénateur Cormier.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Le Cambridge Sports Hall of Fame
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la récente cérémonie d’intronisation au Cambridge Sports Hall of Fame, à Cambridge, en Ontario, qui s’est tenue le 6 mai. Cette cérémonie, qui a toujours lieu le premier samedi du mois de mai, était spéciale cette année pour deux grandes raisons. Tout d’abord, c’était la première fois en trois ans que le temple de la renommée du sport était célébré en personne. L’enthousiasme était évident parmi les personnes présentes, notamment Jan Liggett, mairesse de Cambridge, et Karen Redman, présidente de la région de Waterloo, ainsi que des centaines de membres des familles, d’athlètes, d’entraîneurs et de bâtisseurs.
L’ouverture des nouvelles installations du Cambridge Sports Hall of Fame a été tout aussi importante que la cérémonie. C’était merveilleux de se promener au milieu de cette fabuleuse célébration et de l’histoire d’un si grand nombre de personnes talentueuses qui ont participé à des compétitions au plus haut niveau au fil des décennies.
Cette année, Ernie Overland et Marg Oliveira ont été intronisés pour leur extraordinaire travail, du terrain de jeu au podium, pendant plus de quatre décennies en patinage de vitesse. Les deux ont entraîné des médaillés olympiques, y compris leurs propres enfants.
On retrouve parmi les autres lauréats Bryan Little, qui a passé 19 ans dans la LNH à jouer pour les Jets de Winnipeg; Ron Campbell, qui a consacré sa vie à former des nageurs au sein du club de natation Aquajets de Cambridge; ainsi que Lindsay et Leslie Caron, un duo mère-fille, dont on a souligné la brillante carrière dans la course de fond. Lindsay, qui a fait cinq fois partie de l’équipe nationale, continue de faire de la course de fond à Whitehorse, tandis que Leslie, sa mère, a remporté plusieurs marathons et grandement contribué au programme de course de fond de l’Université de Guelph au début des années 2000. En fait, à 36 ans, elle a repris ses études supérieures et a joué un grand rôle dans la victoire de Guelph lors du championnat national.
Leigh Hobson, cycliste de course sur route qui a participé aux Olympiques de 2008 à l’âge de 37 ans, a été membre de l’équipe nationale canadienne de cyclisme de 1997 à 2000, puis de 2007 à 2009. Leigh — qu’on reconnaît à son sourire éclatant — a été une concurrente redoutable dans de nombreuses courses partout dans le monde. Ce fut un honneur de la voir compétitionner à Pékin.
Dans la catégorie Équipes, les Cubs de Cambridge, de catégorie peewee, ont été intronisés. Ce merveilleux groupe de jeunes garçons a remporté le championnat de Baseball Canada en 2019. Il y a aussi les Hawks, l’équipe de football de l’école secondaire Jacob Hespeler qui, après trois superbes tentatives, ont finalement remporté leur premier championnat provincial ici même, à Ottawa, en 2018.
Enfin et surtout, je tiens à rendre hommage à tous les membres du comité du temple de la renommée du sport de Cambridge, dont certains soutiennent cette initiative communautaire depuis plus de 40 ans. Il s’agit de Gary Hedges, Bob Howison, Bruce Bevan, Jim Cox, Bob McIver, John Morton, Al Pederson, Paul Ross, John Rothwell, Ted Wilson et Dave Willock. De plus, je remercie Doc Schlei qui a fourni les photos et qui veille à ce que l’événement demeure actif en ligne tout au long de l’année.
Enfin, honorables sénateurs, je tiens à rappeler à chacun d’entre vous que la Journée nationale de la santé et de la forme physique arrive à grands pas. Il ne reste plus beaucoup de temps, alors j’espère que vous avez sorti vos chaussures de course. J’en aurai plus à dire à ce sujet, mais assurez-vous d’y participer, de bouger et de prendre soin de votre santé mentale et physique.
Merci. Meegwetch.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Aneela et Qamrul Siddiqi et de Mustafa et Abdul Popalzai. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Ataullahjan.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Margo Greenwood, O.C.
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à remercier mes collègues conservateurs de me permettre d’avoir ce temps de parole.
J’interviens aujourd’hui pour rendre hommage à ma voisine de banquette, l’honorable — et remarquable —, sénatrice Margo Greenwood. Plus tôt aujourd’hui, juste de l’autre côté de la rue, dans la salle Drawing de l’hôtel Château Laurier, on a célébré les 20 années de leadership de notre estimée collègue en tant que cheffe de file universitaire du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, de l’Université du Nord de la Colombie‑Britannique.
La salle était remplie de collègues de Margo venus de tous les coins du Canada et du monde entier. La Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a rendu hommage à la sénatrice Greenwood. Elles ont travaillé ensemble au fil des ans et elles ont apporté une grande contribution pour améliorer la santé des communautés autochtones au plus fort de la pandémie de COVID-19. La ministre Carolyn Bennett a félicité Margo pour son leadership, sa créativité et ses grandes réalisations. Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, était aussi présent pour rendre hommage à sa collègue et amie. De nombreux proches et admirateurs de Margo, des sénateurs ou des personnes d’autres sphères, étaient présents lorsqu’elle a franchi symboliquement le pont reliant son précédent rôle de leader à l’échelle nationale et celui qu’elle occupe en ce moment, ici, à la Chambre haute du Canada.
C’est en paroles, en chanson et en musique, avec des tambours, qu’on a rendu hommage à Margo. Elle a aussi été enveloppée d’amour dans une belle couverture à étoiles — l’ultime honneur. Chers collègues, en toute franchise, l’événement de ce matin a été une véritable manifestation d’amour pour la sénatrice Margo Greenwood, qui le mérite amplement.
Notre collègue la sénatrice Greenwood a pris la parole et, si j’avais disposé de beaucoup plus de temps pour me préparer, je lui aurais demandé de me transmettre ses observations. Elle a tout d’abord évoqué une belle image, celle d’un arbre qui était près chez elle quand elle était petite et qu’elle appelait l’arbre des rêves. Dans tous les postes qu’a occupés Margo — elle parlait, dans ce cas, de son travail et de son leadership dans le domaine de la santé des Autochtones — elle a toujours rêvé aux possibilités qui s’offraient à elle.
Pendant son discours, elle nous a expliqué — avec une grande générosité d’ailleurs — comment elle, de nombreuses personnes présentes dans la salle et beaucoup d’autres gens qui n’y étaient pas avaient concrétisé des rêves d’une grande importance, soit d’arriver à de meilleurs résultats en matière de santé, à une meilleure collaboration, à de bien meilleurs renseignements et données probantes sur lesquels les gens s’appuieraient — pas seulement le genre de données scientifiques qu’on examine habituellement, mais aussi des résultats de recherche —, ainsi qu’au respect du savoir autochtone. C’était un honneur d’assister à cet événement.
La sénatrice Greenwood s’est montrée généreuse. Au nom de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants et de tous les sénateurs, je la remercie d’avoir traversé ce pont et d’être ici avec nous. Je sais que cela n’a pas été facile et que ce n’est pas toujours facile, mais nous sommes vraiment chanceux de vous compter parmi nous. Merci, et félicitations. Hiy hiy.
Des voix : Bravo!
(1420)
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2023
Dépôt du septième rapport du Comité des pêches et des océans sur la teneur du projet de loi
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, qui porte sur la teneur des éléments des sous-sections A, B et C de la section 21 de la partie 4 du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
(Conformément à l’ordre adopté le 27 avril 2023, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour pour étude à la prochaine séance.)
La Loi sur les juges
Projet de loi modificatif—Présentation du treizième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui porte sur le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les juges.
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 1701.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Cotter, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le Bureau du Conseil privé
Le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, ma question aujourd’hui concerne le rapporteur spécial inventé de toutes pièces par le premier ministre.
Monsieur le leader, votre gouvernement renforce l’impression que cette nomination est loin d’être sérieuse. Je n’arrive toujours pas à trouver comment des témoins d’intimidation ici même au Canada par le Parti communiste chinois ou des Canadiens qui en sont victimes peuvent communiquer avec le rapporteur spécial pour dénoncer une telle situation. Il y a trois semaines, le ministre Leblanc avait pourtant promis — avait garanti — ici même dans cette enceinte de fournir une adresse électronique ou une adresse postale. Or, nous n’avons rien reçu.
Par surcroît, monsieur le leader, hier, CBC News, l’organe de propagande libérale, rapportait que le Bureau du Conseil privé — le ministère du premier ministre — s’occupe des demandes des médias concernant le rapporteur spécial. Or, le rapporteur spécial est prétendument indépendant, mais c’est le Cabinet du premier ministre qui se charge des demandes des médias.
De plus, nous venons d’apprendre que le rapporteur ne s’est même pas donné la peine de répondre à une lettre du chef de l’opposition, Pierre Poilievre.
Monsieur le leader, les Canadiens ne sont pas dupes; ils voient ce qui se passe. J’espère qu’il en est de même pour vous. Le gouvernement Trudeau cherche à esquiver les questions difficiles concernant l’ingérence étrangère en les renvoyant au titulaire d’un poste factice. Comment vous et le gouvernement pouvez-vous continuer sans sourciller de faire la promotion de ce poste, qui n’est qu’un écran de fumée?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Le rapporteur spécial, l’honorable David Johnston, a été chargé d’une mission importante, qui consiste à conseiller le premier ministre sur la manière appropriée et prudente de faire toute la lumière sur ces allégations d’ingérence étrangère.
Il m’est difficile de m’abstenir de...
Le sénateur Plett : Répondez à la question.
Le sénateur Gold : La réponse à votre question est que je suis ici à représenter fièrement et en toute conscience le gouvernement. C’est également avec fierté et honneur que je rappelle au sénateur que qualifier, comme lui et son chef l’ont fait, le mandat de l’ancien gouverneur général d’« écran de fumée » est une fois de plus un manque de respect pour l’institution.
Le sénateur Plett : Ce qui est irrespectueux, sénateur Gold, c’est que vous n’essayez même pas de répondre à la question. Je vous ai posé la question suivante : comment les gens peuvent-ils entrer en contact avec lui? Comment les gens peuvent-ils contacter le rapporteur spécial, la personne que vous qualifiez d’indépendante? Comment les gens communiquent-ils avec lui?
Au lieu de répondre, vous dites que nous manquons de respect. En quoi est-ce un manque de respect envers les Canadiens que de demander comment on peut communiquer avec ce rapporteur spécial? Si ce n’est pas qu’un écran de fumée, il devrait y avoir un moyen de le contacter.
Le gouvernement est incapable de prendre la bonne décision. Même lorsque le choix est évident, son manque de leadership et de sens moral se manifeste à maintes reprises quand il désigne d’autres personnes pour prendre des décisions à sa place. Il se contente de créer un nouveau poste pour éviter d’avoir à supporter la pression et le poids d’une quelconque responsabilité.
En voici quelques exemples : le prétendu rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, le processus de nomination soi-disant indépendant du Sénat, les consultants, en particulier les amis du cabinet McKinsey, et tous les groupes consultatifs d’experts qui coûtent de l’argent aux contribuables.
Monsieur le leader, si ce rapporteur spécial indépendant n’était pas qu’un écran de fumée, ne pensez-vous pas qu’il y aurait plus de transparence sur la manière de joindre son bureau et que les demandes des médias n’auraient pas à être traitées par l’intermédiaire du Cabinet du premier ministre? Le chef de la loyale opposition de Sa Majesté n’aurait-il pas reçu une réponse à sa lettre?
Le sénateur Gold : La tradition veut qu’on nous accuse de répondre à des questions par des questions. Je vais donc répondre à votre question, mais je vais d’abord poser la mienne.
Nous parlons de respect. L’honorable chef de l’opposition à l’autre endroit a décliné une invitation à rencontrer le rapporteur spécial, l’honorable David Johnston. Il a refusé de le rencontrer même si les autres chefs des partis de l’opposition, qui ont aussi réclamé une enquête publique, l’ont rencontré.
Je crois que cela répond peut-être à la question sur le respect, honorables collègues.
Pour ce qui est de vos autres questions, dont la teneur exacte m’échappe, il demeure que le premier ministre du Canada attend avec impatience les recommandations de l’honorable David Johnston, et que des mesures seront prises en conséquence.
[Français]
Les relations Couronne-Autochtones
Les déchets toxiques
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, cela fait près de trois ans que je vous pose des questions au sujet du site d’enfouissement et des déversements illégaux sur les terres d’Oka, à Kanesatake.
(1430)
Hier, après trois ans, vous m’avez surpris avec votre réponse. Vous m’avez dit ce qui suit :
Comme il s’agit en partie d’un terrain privé, les instruments juridiques du gouvernement sont limités pour pouvoir intervenir.
Votre ministre a dit à peu près la même chose dans le journal La Presse d’aujourd’hui, soit qu’il s’agit d’une propriété privée.
Or, j’ai entre les mains un courriel daté du 21 mai 2020 provenant du Cabinet du ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Québec, adressé au maire d’Oka et faisant état de la situation au site de Kanesatake, qui se lit comme suit :
Bonjour Monsieur Quevillon,
Le 11 mai 2020, le Service aux Autochtones du Canada a confirmé à notre ministère que G & R Recyclage est situé sur des terres qui sont une propriété fédérale.
Puis il confirme que le Québec ne sera pas responsable du passif environnemental relatif à ce site.
Or, monsieur le leader, comment se fait-il que votre ministre a réitéré à La Presse que le terrain est sur une propriété privée, que vous nous avez dit que le dépotoir était sur une propriété privée, mais que vous avez dit au ministre de l’Environnement du Québec que c’est sur une terre de propriété fédérale et qu’il n’aura pas à subir les inconvénients environnementaux?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le ministre Miller était sur les ondes de la radio ce matin vers 8 h 15 pour expliquer davantage les enjeux et les complexités de cette affaire.
Pour ce qui est de la situation qui est inacceptable et intolérable, les leviers juridictionnels fédéraux ne sont pas illimités, au contraire. La province de Québec a une grande responsabilité dans ce cas, surtout en ce qui concerne l’ordre public. Cela est bien compris, surtout par les citoyens et citoyennes, qu’il y a aussi un problème de gouvernance au sein de la communauté concernée.
De plus, tous les paliers de gouvernement travaillent ensemble pour trouver une solution, y compris le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada et le Conseil de bande de Kanesatake. Il s’agit d’une situation intolérable, bien sûr, mais les solutions ne sont pas évidentes et les efforts sont déployés pour les trouver. Malheureusement, cela est tragique pour ces citoyens et citoyennes; les solutions ne sont pas évidentes à court terme.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, vous savez que vous avez le pouvoir d’intervenir; vous avez le pouvoir d’adopter des décrets. Vous savez que c’est de compétence fédérale, autant sur le plan environnemental que sur le plan des affaires autochtones.
À titre d’exemple, comment se fait-il que le 22 juin 2016, en quelques heures seulement, sur une propriété privée, vous ayez été capable d’adopter un décret afin de suspendre des activités pour protéger l’habitat des grenouilles, alors que quand il s’agit d’adopter un décret pour arrêter des déversements illégaux dans des sources d’eau potable qui alimentent plus de 500 000 personnes, vous êtes incapable de faire quoi que ce soit?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et pour la passion avec laquelle vous la posez.
Le sénateur Carignan : C’est parce que je bois de cette eau, ma famille boit de cette eau et mes voisins boivent de cette eau.
Son Honneur la Présidente : Le sénateur Gold a la parole.
Le sénateur Gold : Avec respect, je comprends que la question est sérieuse.
Je comprends bien votre passion parce que c’est un sujet important. Malheureusement, les faits sont les faits. Les leviers gouvernementaux sont limités; ils ne sont pas illimités, même quand il s’agit de l’environnement. C’est une compétence partagée. Le fait qu’il y ait une communauté autochtone impliquée n’enlève en rien la responsabilité de la Sûreté du Québec et de la province de Québec de maintenir l’ordre public et pour faire appliquer la loi, au sens général, au sein des communautés comme Kanesatake.
Cela ne donne pas au gouvernement fédéral l’autorisation illimitée d’intervenir. Par ailleurs, je mets complètement de côté les dangers pour la sécurité publique en cas d’intervention trop musclée qui ne serait pas bien planifiée avec les autorités concernées, y compris le conseil de bande de la communauté.
[Traduction]
Les affaires étrangères
Les pensions de l’État britannique
L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, plus de 120 000 personnes vivant au Canada perçoivent une pension du Royaume‑Uni. Dans le cas des retraités vivant au Royaume-Uni ainsi que dans bien d’autres pays, y compris les États-Unis, la pension est indexée sur l’inflation. Ce n’est toutefois pas le cas des retraités vivant au Canada.
La politique du gouvernement britannique contraste fortement avec celle du Canada, où les pensions sont toujours indexées, quel que soit l’endroit dans le monde où vit le bénéficiaire. Cette politique est injuste pour les pensionnés, qui voient inéluctablement fondre la valeur de leur pension en raison de l’inflation. De plus, elle prive l’économie canadienne d’un montant estimé à 450 millions de dollars, avec tous les avantages que cela représente.
J’aimerais savoir si le gouvernement du Canada s’efforce actuellement de résoudre ce problème de longue date.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénateur Downe, d’avoir soulevé cette question et d’avoir porté celle-ci à mon attention. Je ne manquerai pas d’en parler au ministre compétent.
Le sénateur Downe : Les bénéficiaires de pensions du Royaume-Uni qui prennent leur retraite au Canada auront des revenus inférieurs à ceux qui vivent ailleurs, comme aux États‑Unis, parce que leurs pensions ne sont pas indexées. S’ils sont plongés dans la pauvreté, le coût des mesures de soutien sera assumé par les gouvernements et les contribuables d’ici, alors que si le Royaume-Uni leur avait réservé un traitement équitable, ils auraient peut-être pu se débrouiller seuls.
Étant donné les liens historiques étroits entre le Canada et le Royaume-Uni, les bénéficiaires de pensions du Royaume-Uni se demandent pourquoi leurs pensions ne sont pas indexées au Canada, mais le seraient s’ils vivaient en Islande, au Portugal, en Allemagne, en Turquie, en Israël ou aux Philippines.
Je me demande, sénateur Gold, si vous pourriez exhorter le gouvernement du Canada à accroître les efforts diplomatiques pour régler ce problème.
Le sénateur Gold : Merci. Je porterai ce sujet à l’attention de la ministre.
Le Bureau du Conseil privé
Les postes vacants au Sénat
L’honorable Wanda Thomas Bernard : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, il y a quelques semaines, mes collègues et moi avons interrogé le ministre LeBlanc au sujet des nombreux postes vacants au Sénat pour les sénateurs représentant la région de l’Atlantique. Le ministre nous a assuré que nous serions agréablement surpris par les nouvelles à venir, et nous l’avons été. Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues de l’Atlantique : la sénatrice Petten, ici présente, qui représente Terre-Neuve-et-Labrador, et la sénatrice MacAdam, qui représente l’Île-du-Prince-Édouard et qui se joindra à nous sous peu.
J’aimerais revenir sur les nominations en Nouvelle-Écosse, étant donné que ces sièges sont vacants depuis le 9 avril 2020, soit la plus longue période de vacance au Sénat. Qu’en est-il des trois sièges vacants pour la Nouvelle-Écosse?
Qu’en est-il des autres sièges vacants pour la région de l’atlantique : deux à Terre-Neuve, un autre à l’Île-du-Prince-Édouard et trois au Nouveau-Brunswick?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice pour sa question. Je pense que nous attendons tous avec impatience l’arrivée de nouveaux collègues.
Le gouvernement continue de veiller à ce que les nominations au Sénat se fassent dans le cadre d’un processus ouvert, transparent et fondé sur le mérite. En effet, le gouvernement en place a nommé au Sénat 68 éminents Canadiens aux parcours variés et distingués.
J’ai été informé, comme nous l’avons tous été, que d’autres nominations sont à venir. Toutefois, à ce stade, je n’ai pas d’autres informations à partager. Nous croisons tous les doigts et nous nous réjouissons d’accueillir de nouveaux collègues dès que possible.
La sénatrice Bernard : Sénateur Gold, je vous remercie de votre réponse. Sachez que je continuerai de poser cette question jusqu’à ce que ces postes vacants soient pourvus.
À la suite du départ à la retraite de la sénatrice Lovelace Nicholas et du sénateur Christmas, il ne reste qu’un sénateur autochtone pour représenter l’ensemble la région de l’Atlantique, soit le sénateur Francis, qui représente l’Île-du-Prince-Édouard. Qu’est-ce que le gouvernement a l’intention de faire pour accroître la représentation des Autochtones de la région de l’Atlantique au Sénat?
(1440)
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je ne peux y répondre directement, puisqu’il existe un processus pour recommander des candidats au premier ministre, qui ensuite puise dans ce bassin de candidats pour recommander des nominations au Sénat à la gouverneure générale. Depuis son arrivée en fonction, le premier ministre a nommé un nombre important de sénateurs autochtones, ce qui enrichit les travaux du Sénat. Je suis convaincu que cela demeurera un élément important dans les décisions relatives à la nomination de nouveaux sénateurs.
Les transports
Les membres d’équipage d’un transporteur aérien canadien détenus à l’étranger
L’honorable David M. Wells : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la question concerne l’équipage de Pivot Airlines qui a été détenu en République dominicaine pendant sept mois l’année dernière. En novembre 2022, le cabinet du ministre Alghabra s’est engagé à commander une enquête complète sur cette affaire. L’équipage a été libéré en décembre dernier. Le 17 février, je vous ai demandé où en était l’enquête promise par le gouvernement et la réponse différée que j’ai obtenue il y a peu de temps était qu’il est impossible de mener une enquête en sol étranger. Évidemment, ma question ne portait pas sur ce qui ne tombe pas sous la responsabilité du ministère des Transports; elle concernait uniquement ce qui est de la compétence du ministère, ce qui correspond à l’engagement qui avait été pris.
Sénateur Gold, nous savons que la plupart des manquements sont survenus au Canada. Ma question est la suivante : quand cette enquête aura-t-elle lieu? C’est une question très simple.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur. À ma connaissance, une enquête est en cours. Je ne suis pas en mesure de donner des précisions au sujet de l’enquête ou de son état d’avancement, mais on m’a informé que Transports Canada avait entrepris une enquête sur cette affaire et je ferai assurément un suivi auprès du ministre pour lui faire part de ces préoccupations.
Le sénateur Wells : Je vous en remercie. De toute évidence, ce n’est pas une enquête publique, car personne n’en a été informé. Dans la réponse différée, le ministère disait qu’il ne pouvait pas entreprendre d’enquête en territoire étranger. Si vous pouviez me transmettre directement, ou transmettre au Sénat, tous les renseignements que vous pouvez trouver, je vous en serais reconnaissant.
Le sénateur Gold : Je ferai de mon mieux. Merci.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement
Le logement abordable
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans un rapport publié en juin dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a déclaré que pour rétablir l’abordabilité d’ici 2030, il faudra ajouter 3,5 millions de logements abordables aux prévisions actuelles. Au total, 5,8 millions d’unités doivent être créées pour rendre le logement abordable au Canada. La Société canadienne d’hypothèques et de logement a également indiqué que les deux tiers de cet écart concernent la Colombie-Britannique et l’Ontario.
Monsieur le leader, on ne peut pas rejeter cette information au motif qu’elle provient d’une source partisane. En effet, il s’agit d’une société d’État. Le Fonds pour accélérer la construction de logements du gouvernement Trudeau a pour objectif de créer 100 000 logements au Canada entre son lancement en juin et 2027, lorsqu’il prendra fin. Monsieur le leader, comment le gouvernement Trudeau compte-t-il combler l’écart considérable entre le nombre de logements nécessaires et le nombre de logements prévus dans le cadre de votre plan?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et de souligner les défis permanents auxquels les Canadiens sont confrontés pour trouver des logements abordables dans les régions où ils veulent vivre.
Le gouvernement du Canada apporte sa contribution. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit à maintes reprises dans cette enceinte, mais des investissements et des programmes sérieux ont été mis en place du côté fédéral pour aider et créer des incitatifs, notamment des suppléments à l’Allocation canadienne pour le logement, le Fonds pour accélérer la construction de logements et ainsi de suite. Cependant, chers collègues, nous savons que l’offre de logements ne relève pas exclusivement de la compétence fédérale. Elle concerne également les provinces et les territoires, les municipalités et leur zonage, ainsi que le secteur privé, bien sûr, sans parler des marchés financiers et du marché en général. Le gouvernement du Canada apporte sa contribution, comme le font bon nombre de provinces, de territoires et de municipalités, dans l’espoir que la crise du logement s’atténue et que les Canadiens puissent trouver un logement adapté à leurs besoins.
La sénatrice Martin : Le montant moyen des paiements hypothécaires et des loyers a presque doublé depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau. Par exemple, dans son rapport de 2022, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, ou SCHL, indique que le loyer moyen d’un appartement de deux chambres à coucher a atteint un niveau record l’an dernier. Par ailleurs, le nombre de logements construits est loin d’être suffisant pour répondre à la demande. Dans ses prévisions publiées en avril, la SCHL indique qu’elle s’attend à ce que la construction de nouveaux logements diminue cette année et reste bien en deçà des niveaux récents.
Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau a déjà reporté son objectif de construction de 100 000 logements de 2025 à 2027. Quelles garanties les Canadiens ont-ils que cet objectif ne sera pas encore reporté?
Le sénateur Gold : Le gouvernement continue de travailler sérieusement afin d’atteindre ces cibles. Il le fait de façon responsable et fait preuve de transparence envers les Canadiens. Les conditions du marché ont changé. Heureusement, l’inflation s’est stabilisée, et elle a même diminué pendant bien des mois. Comme nous le savons, il y a eu une légère hausse; je crois que c’était une hausse de 0,1 %. Quoi qu’il en soit, espérons que la tendance se poursuivra afin que nous puissions retrouver un niveau d’inflation convenable, et cette tendance est attribuable en bonne partie à la gestion responsable de l’économie.
Ainsi, à mesure que les taux d’intérêt et le loyer de l’argent diminueront, nous espérons que les taux hypothécaires diminueront également. Le gouvernement apporte sa contribution et continuera de le faire.
Les finances
Les frais d’intérêt de la dette fédérale
L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il est toujours comique de vous entendre faire la leçon au leader de l’opposition sur le respect de cette institution. La vérité, c’est que le gouvernement que vous représentez n’a cessé de manquer de respect au Parlement. Ces derniers jours, la ministre des Finances n’a pas répondu aux questions d’un député à la Chambre des communes et l’a traité de valet de son parti. Cette même ministre se présente devant un comité de la Chambre des communes — dont nous avons paralysé les travaux pendant des semaines pour que la ministre des Finances s’y présente et réponde à des questions élémentaires — et dit qu’elle en a assez des discours alarmistes des conservateurs en matière fiscale. Or, monsieur le leader, nous en avons assez de l’incompétence fiscale des libéraux.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Housakos : Au bout du compte, nous posons des questions respectueuses au nom des contribuables, et on nous doit des réponses.
Je vais vous poser la même question que le parlementaire a posée à la ministre des Finances, avec le même ton respectueux. Pouvez‑vous dire aux Canadiens combien nous dépensons ou combien nous projetons de dépenser pour le service de la dette au cours du prochain exercice financier?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. J’ai bien peur de ne pas avoir la réponse à cette question. Cela dit, je vous remercie de l’avoir soulevée. Je salue à tout le moins le ton que vous avez utilisé, même si je ne peux pas en dire autant du préambule de la question.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, le Sénat est appelé à voter sur des projets de loi budgétaires. Le Sénat approuve des projets de loi budgétaires. Vous êtes le leader du gouvernement, mais vous ne savez pas que le service de la dette se chiffre à 43,9 milliards de dollars? Je trouve cela incroyable. La situation est incroyable depuis des jours, tant à la Chambre des communes que dans cette enceinte. Lorsque les conservateurs posent une question élémentaire au gouvernement, cela met en évidence le manque de confiance des Canadiens dans l’actuel gouvernement. En réalité, au Canada, le gouvernement consacre davantage d’argent au service de la dette qu’aux transferts au titre de la santé. Voilà probablement pourquoi le gouvernement ne veut même pas parler des 43,9 milliards de dollars. C’est embarrassant et honteux.
La ministre et le gouvernement éprouvent-ils simplement un mépris total envers le Parlement et l’obligation de répondre à nos questions? En vérité, monsieur le leader du gouvernement, c’est ce qu’on voit depuis des semaines chaque fois que l’opposition tente d’obtenir des réponses à des questions élémentaires. Après sa comparution devant le comité, la ministre a accusé d’intimidation le député qui l’avait interrogée. Imaginez un peu, chaque fois que l’opposition pose des questions, on l’accuse entre autres d’intimidation et de partisanerie. Or, nous ne faisons que nous acquitter de la tâche que les Canadiens nous ont confiée en nous envoyant ici à Ottawa.
C’est aussi ce que vous faites, monsieur le leader du gouvernement. Et tous les membres du gouvernement Trudeau font de même. Vous dénigrez régulièrement notre institution parlementaire et le travail de l’opposition. Chaque fois que vous critiquez l’opposition parce qu’elle fait des reproches au gouvernement — alors que c’est le rôle fondamental qui lui incombe —, vous présentez le Parlement sous un jour très négatif.
(1450)
La question que je pose, à vous et tous les membres du gouvernement Trudeau, et à laquelle j’aimerais réellement obtenir une réponse, est la suivante. Qui croyez-vous être dans cette Chambre et où croyez-vous être? C’est une question fort simple. Qui êtes-vous dans cette Chambre, quel est votre titre et où vous situez-vous?
Le sénateur Gold : Je suis au Sénat du Canada. Je suis le représentant du gouvernement du Sénat. C’est ce que vous m’avez demandé.
Vos observations concernant le respect pour cette institution et toutes vos allégations déforment fondamentalement les propos que je répète constamment. Lorsque vous manquez de respect, à l’égard du gouverneur général par exemple, lorsque vous prêtez des intentions au premier ministre ou autrement dans la façon dont vous formulez vos questions, vous ne rendez pas justice à la gravité des problèmes que vous soulevez. Chers collègues, je l’ai dit maintes fois et je le répète. Je respecte le rôle de l’opposition. Je respecte la légitimité des questions que vous posez. Toutefois, ce que je trouve inacceptable, c’est la manière dont vous les formulez, le manque de respect dont vous faites preuve à l’égard des 68 sénateurs qui ont été nommés au moyen d’un processus transparent fondé sur le mérite en qualifiant ce processus de simulacre, ou lorsque vous dites que le rapporteur n’est qu’un écran de fumée, et je crois que les Canadiens aussi trouvent cela inacceptable.
Des voix : Bravo!
La sécurité publique
L’Agence des services frontaliers du Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, auriez-vous l’obligeance de répondre comme il se doit à une de nos questions pour une fois? Le sénateur Housakos vous a posé une question.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’y ai répondu.
Le sénateur Plett : Non, vous n’y avez pas répondu. Vous n’avez pas répondu à la question dans laquelle le sénateur vous demandait combien le gouvernement dépense. Vous ne m’avez pas non plus répondu quand j’ai demandé comment les Canadiens peuvent communiquer avec le rapporteur spécial. Ce n’était nullement une attaque contre l’ancien gouverneur général. C’est le premier ministre qui fait preuve de mépris à l’égard de l’ancien gouverneur général, M. Johnston, qui est une personne remarquable. C’est le premier ministre qui l’a nommé à ce poste en disant : « C’est un bon ami de ma famille et il est membre de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Je le nomme au poste de rapporteur spécial. En passant, si vous souhaitez communiquer avec lui, passez par mon bureau. » Or, le rapporteur spécial est indépendant.
Et vous dites ensuite que nous faisons preuve de mépris. Vous siégez dans cette enceinte, mais vous vous moquez des Canadiens, comme le premier ministre d’ailleurs. Son père a fait un doigt d’honneur aux gens de l’Ouest du Canada, et le fils fait la même chose, mais à deux mains.
La question que je pose maintenant porte sur l’application ArriveCAN. Voyons voir si vous pouvez répondre une fois à une question sans vous lancer dans une diatribe pour dire à quel point nous sommes vilains. Répondez à une question.
Monsieur le leader, cette application n’a jamais été nécessaire, mais étant donné que le gouvernement Trudeau tenait tellement à aller de l’avant, il aurait pu faire appel à quelques-uns des milliers de professionnels des TI du gouvernement du Canada pour la créer. Le gouvernement aurait même pu confier le travail en sous-traitance comme il aime tant le faire. Au lieu de cela, ce gouvernement incompétent a payé plus de 8 millions de dollars à une entreprise de deux personnes.
Une voix : Wow.
Le sénateur Plett : Je me demande quel était leur nom de famille. Étaient-ils aussi des amis du premier ministre? Une société composée de deux personnes chargée de confier ces travaux en sous-traitance à de grandes multinationales.
Le sénateur Housakos : Vous êtes irrespectueux.
Le sénateur Plett : Lorsque cela a été exposé au grand jour, monsieur le leader, tout ce que le premier ministre a pu dire, c’était qu’il avait posé des questions aux fonctionnaires concernant ce marché. C’est le gouvernement qu’il dirige lui-même, monsieur le leader. Près de quatre mois se sont écoulés depuis que le premier ministre a posé ces questions aux fonctionnaires. Qu’a-t-il découvert, monsieur le leader? Pourquoi cela s’est-il produit et combien d’argent a été dépensé en tout pour confier en sous‑traitance les travaux relatifs à l’application ArriveCAN?
Si vous avez du respect pour nous, répondez à ces questions.
Une voix : Bravo!
Le sénateur Gold : L’application ArriveCAN a été mise en place pour protéger les Canadiens, notre santé, et nos collectivités. C’est tout ce que j’ai à répondre.
Réponses différées à des questions orales
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :
Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er juin 2022 par l’honorable sénatrice Moodie, concernant la Stratégie nationale sur le logement — Société canadienne d’hypothèques et de logement.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er juin 2022 par l’honorable sénatrice Moodie, concernant la Stratégie nationale sur le logement — Emploi et Développement social Canada.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er juin 2022 par l’honorable sénatrice Moodie, concernant la Stratégie nationale sur le logement — Innovation, Sciences et Développement économique Canada.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 8 février 2023 par l’honorable sénatrice Omidvar, concernant le séisme survenu en Turquie et en Syrie.
La Société canadienne d’hypothèques et de logement
La Stratégie nationale sur le logement
(Réponse à la question posée le 1er juin 2022 par l’honorable Rosemary Moodie)
Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL):
Au Canada, les règlements sur les expulsions et le contrôle des loyers relèvent des provinces et des territoires, c’est pourquoi la Stratégie nationale sur le logement (SNL) ne comprend pas de cibles précises sur les expulsions.
L’un des principes fondamentaux de la SNL est de répondre aux besoins en matière de logement des personnes les plus vulnérables, y compris celles qui sont en situation d’itinérance ou qui risquent de le devenir. La SNL a pour engagement de réduire l’itinérance chronique de 50 % d’ici 2027-2028, une cible dont l’atteinte est appuyée par Vers un chez-soi : la stratégie canadienne de lutte contre l’itinérance. De plus, au moins 25 % des investissements de la SNL soutiendront les besoins particuliers des femmes et de leurs enfants. Au 31 décembre 2021, environ 7,1 milliards de dollars avaient été engagés pour répondre aux besoins de logement de ce groupe. Ce montant représente plus de 28 % de tout le financement engagé de la SNL.
Les initiatives complémentaires de la SNL répondent aux besoins dans tout le continuum du logement, y compris ceux des personnes les plus vulnérables au Canada. Ces initiatives comprennent un soutien direct à l’abordabilité pour les ménages à faible revenu au moyen de l’Allocation canadienne pour le logement (ACL) et une aide au loyer pour les ménages à faible revenu vivant dans des logements communautaires. La SNL comprend également des programmes visant à accroître l’offre de logements abordables, comme l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL), qui permet de construire rapidement des logements abordables permanents pour répondre aux besoins urgents en matière de logement des personnes vulnérables au Canada.
(Réponse à la question posée le 1er juin 2022 par l’honorable Rosemary Moodie)
La Stratégie emploi et compétences jeunesse (SECJ), une initiative horizontale du gouvernement du Canada menée par Emploi et Développement social Canada en collaboration avec 11autres ministères fédéraux, agences et sociétés d’État, aide les jeunes de 15 à 30 ans à perfectionner leurs compétences et à réussir leur transition vers le marché du travail.
En 2021, Stages en habitation pour les jeunes Autochtones, un programme de la SECJ offert par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, a servi plus de 330 jeunes Autochtones en leur proposant des stages liés à l’habitation, des possibilités d’acquérir de l’expérience professionnelle et une formation en cours d’emploi.
À l’heure actuelle, l’un des indicateurs de rendement de la SECJ est le pourcentage de jeunes servis parmi chacun des groupes suivants se heurtant à des obstacles à l’emploi : les jeunes Autochtones, les jeunes en situation de handicap et les jeunes issus des minorités visibles. Dès 2023-2024, les programmes de la SECJ amélioreront la désagrégation des données de jeunes sous-représentés qui sont servis et aux obstacles socio-économiques auxquels ils pourraient être confrontés.
(Réponse à la question posée le 1er juin 2022 par l’honorable Rosemary Moodie)
Statistique Canada produit la mesure du panier de consommation (MPC) établissant les seuils de pauvreté utilisés pour rendre compte des progrès réalisés dans l’atteinte de certains des objectifs de la politique sociale du gouvernement fédéral. La MPC fournit des informations contextuelles en mettant en lumière les caractéristiques des populations faisant face à des défis économiques et potentiellement à risque d’expulsions et d’itinérance. Les cibles de réduction de la pauvreté sont fixées par Emploi et Développement social Canada.
Les seuils de la MPC sont fondés sur le coût d’un panier de biens et de services, qui représente un niveau de vie de base modeste pour une famille de référence. Les familles dont le revenu est inférieur aux seuils applicables, selon leur taille et région de résidence, sont considérées comme vivant dans la pauvreté. Pour tenir compte de potentielles variations régionales dans le coût de la vie, Statistique Canada publie les seuils de la MPC pour 53 régions à travers le pays (https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1110006601).
Les seuils changent annuellement pour tenir compte de l’inflation. Pour tenir compte de l’évolution de ce qui représente un niveau de vie de base modeste au fil du temps, la Loi sur la réduction de la pauvreté exige que Statistique Canada effectue un examen du panier et des méthodologies de la MPC tous les cinq ans.
Statistique Canada a terminé les plus récents ajustements de la mesure de la pauvreté en 2020 et lancera le prochain examen en 2023.
Les affaires étrangères
Le séisme survenu en Turquie et en Syrie
(Réponse à la question posée le 8 février 2023 par l’honorable Ratna Omidvar)
Affaires mondiales Canada
Le Canada a consacré 50 millions de dollars à la réponse au tremblement de terre en Turquie et en Syrie, dont 20 millions à deux fonds de contrepartie. Les fonds de contrepartie sont des outils utiles d’engagement du public mis en place à la suite de catastrophes. Le choix du partenaire dépend de divers facteurs, y compris les capacités locales et l’empreinte opérationnelle dans les zones touchées.
Face aux besoins immédiats des collectivités touchées par les tremblements de terre en Turquie et en Syrie, le gouvernement du Canada s’est engagé à verser une somme équivalente aux dons faits à la Croix-Rouge canadienne et à la Coalition humanitaire.
Le 7 février 2023, un fonds de contrepartie de 10 millions de dollars avec la Croix-Rouge canadienne a été annoncé. Ce financement soutient les efforts du Croissant-Rouge turc.
Le 24 février 2023, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il verserait également 10 millions de dollars en dons recueillis par la Coalition humanitaire et ses membres pour soutenir les efforts en Syrie. La Coalition humanitaire regroupe douze organisations humanitaires canadiennes de confiance.
Un montant supplémentaire de 30 millions de dollars soutient des opérations élargies en grande partie par des partenaires des Nations Unies sélectionnés sur la base de leur capacité avérée à étendre et à adapter rapidement les opérations pour répondre aux besoins d’urgence.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cotter, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-22, Loi visant à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées et apportant une modification corrélative à la Loi de l’impôt sur le revenu, tel que modifié.
L’honorable Kim Pate : Chers collègues, comme je l’ai mentionné hier, la consultation des personnes handicapées ne signifie pas que les protections qu’elles préconisent seront inscrites dans la loi. Au cours de son témoignage devant le Comité des affaires sociales, Margaret Eaton, cheffe de la direction nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale, a clairement dit que, s’il est vrai que l’Association canadienne pour la santé mentale félicite le gouvernement d’avoir élaboré le projet de loi C-22 :
[...] nous avons aussi de réelles préoccupations à son sujet, car de nombreux aspects cruciaux de la prestation passeront par la réglementation et non par la loi. Les règlements peuvent dépendre de l’évolution des priorités politiques, et si cela ne passe pas par la loi, cela signifie que les gouvernements ultérieurs pourraient apporter des modifications unilatérales sans avoir à passer par le Parlement.
C’est précisément pour éviter que le fond du projet de loi ne soit déterminé par le processus réglementaire que l’Association canadienne pour la santé mentale a insisté sur le fait que les principales recommandations de la communauté des personnes handicapées doivent être « intégrées à la loi ».
Les pressions exercées pour qu’on adopte rapidement le projet de loi C-22 se sont butées à l’importance de veiller à ce que le projet de loi soit adapté à son objectif. Ce choix inconciliable illustre un besoin très réel et urgent de réduire les taux de pauvreté disproportionnés et honteux chez les personnes handicapées au Canada. Étant donné ce tiraillement, beaucoup des groupes qui nous exhortent à travailler rapidement reconnaissent également le besoin urgent de modifier le projet de loi C-22 et d’en concevoir les règlements. Trop de personnes handicapées se trouvent dans une situation désespérée.
Comme je l’ai dit au comité et aux défenseurs des droits des personnes handicapées, j’ai consacré ma vie à collaborer et à former des coalitions avec bon nombre de ces personnes et de ces groupes. Je suis donc consciente de la pression et des responsabilités qui pèsent sur eux. Lorsque j’étais à leur place, on me disait fréquemment : « C’est le mieux que nous puissions obtenir. Si vous demandez plus, vous n’obtiendrez probablement rien. Le temps nous manque. Nous devons nous faire réélire, puis nous pourrons en faire plus. »
Ma préférée était : « Faites-nous confiance. »
Aujourd’hui, toutefois, je n’occupe plus la position difficile de représentante de groupes non gouvernementaux n’offrant qu’une seule option. Ici, honorables sénateurs, nous partageons tous ensemble la responsabilité d’examiner la pertinence des mesures prévues dans le projet de loi C-22 et nous avons l’occasion de proposer une réponse plus complète. C’est dans cet esprit que j’appuie totalement les amendements adoptés au comité, et je suis vraiment heureuse de vous voir si nombreux à avoir manifesté votre soutien. Je nous exhorte donc à poursuivre la mise en œuvre de cette mesure législative et à continuer de réclamer toute autre amélioration nécessaire.
Linda Bartram, première vice-présidente, Alliance pour l’égalité des personnes aveugles du Canada, a déclaré ceci au Comité des affaires sociales. À son avis, ce projet de loi :
[...] exclut un segment complet de la communauté des personnes handicapées en ce sens qu’elle se limite aux personnes handicapées en âge de travailler, excluant donc vraisemblablement les personnes âgées.
L’alliance a souligné que le taux de chômage des personnes aveugles est de 75 %. Ils n’ont pas d’autre choix que de subsister avec la pension de la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti, lorsqu’ils atteignent les 65 ans. L’étude d’impact a montré que ces personnes vivent bien en deçà du seuil de la pauvreté.
Par exemple, en Ontario, une personne seule qui est admissible au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées reçoit au maximum 1 228 $ par mois. C’est bien en deçà du seuil de la pauvreté officiel. De plus, de 2002 à 2021, le soutien offert à une personne seule qui vit avec un handicap a été réduit, plongeant les personnes handicapées de 18 points de pourcentage de plus sous le seuil de la pauvreté.
Chers collègues, dans la plupart des provinces, la majorité des gens qui reçoivent l’aide sociale sont des personnes handicapées. Ce projet de loi, avec ses amendements, pourrait changer la donne et permettre de faire un grand pas vers l’élimination de la pauvreté au Canada.
(1500)
La ministre Qualtrough a qualifié le projet de loi C-22 de mesure législative qui n’arrive qu’une fois par génération. Je suis entièrement d’accord avec elle. Si nous n’avons qu’une seule occasion tout au long de notre carrière d’adopter une telle mesure, nous devons bien faire les choses. C’est d’autant plus important compte tenu de notre rôle et de nos responsabilités en tant que sénateurs.
Lors des discussions à l’étape de l’étude en comité au Sénat et à l’autre endroit, on a reconnu l’importance de prévoir dans le projet de loi C-22 le principe fondamental du caractère suffisant de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées afin qu’elle contribue réellement à aider toutes les personnes handicapées à vivre dans la dignité. Si le gouvernement planifie de tenir cette promesse, pourquoi ne pas prévoir le principe du caractère suffisant dès le départ? Quelle serait l’utilité de ne pas tenir compte de cette omission?
Ensemble, nous pouvons réaliser notre mandat, c’est-à-dire défendre les intérêts des Canadiens les plus démunis, les plus désavantagés sur le plan économique, ceux qui sont marginalisés et abandonnés depuis toujours à leur sort et nous attaquer aux problèmes auxquels ces personnes sont confrontées.
Selon les experts en contentieux dans le domaine des droits de la personne et de l’égalité, le libellé d’origine du projet de loi C-22 procurerait de l’aide aux personnes handicapées de la classe moyenne. Les provinces pourraient y voir une véritable aubaine pour renflouer leurs coffres — comme plusieurs d’entre elles l’ont fait avec les prestations liées à la pandémie — en récupérant l’aide financière qu’elles versent, tout en abandonnant à leur sort les plus démunis. Il faut prévoir des lignes directrices nationales quant au caractère suffisant des versements, faute de quoi les plus démunis continueront d’être négligés. Pire encore, ils sombreront encore plus profondément dans la pauvreté.
On voit qu’un nombre croissant de personnes ne disposant pas de ressources économiques, sociales et médicales suffisantes pour pouvoir vivre au sein de la société envisagent des options de fin de vie, qui leur semblent préférables au désespoir de vivre dans l’indigence, ce qui rend cette question encore plus urgente.
Les groupes de défense des personnes handicapées ont montré qu’ils sont non seulement prêts à contribuer à un réel travail de conception conjointe, mais aussi impatients de le faire dans le but d’élaborer la réglementation qui fera de la prestation canadienne pour les personnes handicapées une réalité.
Il est temps de nous assurer que le cadre proposé par le projet de loi C-22 est assez solide pour atteindre les objectifs ambitieux visés, et que les communautés de personnes handicapées n’auront pas à subir les conséquences des failles que pourrait contenir cette mesure.
Nos collègues ont fait un travail remarquable au comité. J’espère que l’autre endroit donnera bientôt son accord unanime, afin que les personnes qui ont le plus besoin de cette prestation aient enfin accès à un soutien qui leur permettra de vivre dans la dignité et de faire des choix. Nous avons la capacité et le devoir de faire le nécessaire. Le temps des belles intentions qui laissent délibérément de côté les besoins et les intérêts des personnes les plus marginalisées est révolu.
Il est temps de nous acquitter de notre tâche et de faire de la prestation canadienne pour les personnes handicapées une réalité.
Meegwetch, merci.
L’honorable Marilou McPhedran : J’interviens brièvement en faveur de tous les amendements au projet de loi. On m’a demandé de vous transmettre un bref message de la part d’experts en droits des personnes handicapées et de certains des leaders communautaires qui ont témoigné devant le Comité des affaires sociales, de la science et de la technologie. Ils vous demandent d’appuyer le projet de loi C-22, tel qu’amendé, et, ce faisant, de veiller à ce qu’aucune compagnie d’assurance privée ne puisse récupérer la prestation d’invalidité du Canada auprès des personnes handicapées démunies.
Je me permets d’offrir un point de vue différent de celui du sénateur Cotter sur l’amendement en vous faisant part du fait que la Cour suprême du Canada a confirmé la validité d’une disposition de la Loi sur la non-discrimination génétique, qui interdit aux compagnies d’assurance privées, en tant que condition de leurs contrats, de prendre certaines mesures. L’amendement au projet de loi est une limitation comparable.
N’oubliez pas non plus que les compagnies d’assurance privées stipulent dans leurs contrats et leurs plans qu’elles peuvent déduire toute prestation gouvernementale, et que les règlements pris au titre de la loi ne peuvent rien y changer. Il faut inscrire dans la loi la protection des prestations d’invalidité du Canada pour qu’elles atteignent les bénéficiaires prévus. C’est l’élément clé de l’amendement apporté au projet de loi par la majorité des membres du Comité des affaires sociales.
J’aimerais offrir un autre exemple rassurant.
Adoptée il y a plus de 40 ans, la Loi sur l’indemnisation des marins marchands contient un article très semblable à celui que notre comité a ajouté au projet de loi C-22. Cette disposition de la Loi sur l’indemnisation des marins marchands protège les bénéficiaires de l’indemnisation contre les compensations ou les récupérations des assurances privées depuis des décennies, sans contestation judiciaire.
Il peut également être utile de partager avec vous cette interprétation claire de l’autorité fédérale par une sommité du droit constitutionnel canadien, le regretté professeur Peter Hogg :
[...] que le Parlement fédéral peut dépenser ou prêter ses fonds à n’importe quel gouvernement, institution ou particulier et à n’importe quelle fin, et qu’il peut assortir ses subventions ou ses prêts de n’importe quelles conditions, y compris des conditions qu’il ne pourrait pas imposer par voie législative.
Les experts des droits des personnes handicapées vous demandent d’adopter le projet de loi C-22 sous sa forme amendée et, ce faisant, de défendre le fait que le Cabinet dispose d’un délai raisonnable pour prendre les règlements nécessaires à l’octroi de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées aux personnes handicapées les plus démunies.
Défendons le droit de faire appel qui figure désormais dans ce projet de loi et prenons note du fait que l’amendement garantit les possibilités d’appel à l’égard des deux aspects les plus cruciaux de la prise de décision : l’admissibilité et le montant.
Notons que la préoccupation du sénateur Cotter est résolue par le fait que cet amendement n’entrave en rien l’élaboration de règlements en consultation avec les défenseurs des droits des personnes handicapées, ce qui pourrait permettre d’élargir les catégories d’appel.
Veillez à ce que le Cabinet prenne en considération les coûts supplémentaires associés au fait de vivre avec un handicap ainsi que les besoins intersectionnels des groupes désavantagés au moment de fixer le montant de la prestation canadienne pour les personnes handicapées.
Honorables sénateurs, les sénateurs ont démontré qu’ils sont conscients de l’importance de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, et ils ont fait un travail remarquable pour faire les choses de manière rigoureuse et efficace. Cette mesure a été promise par le gouvernement en 2020, mais ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit près de deux ans plus tard, puis il n’a pas été débattu de nouveau pendant plus de trois mois. L’étude en comité a été menée en temps opportun et de façon ciblée. Le projet de loi a été adopté à l’étape de la troisième lecture le 2 février dernier.
En tout, le projet de loi C-22 est resté huit mois à l’autre endroit. Quant au Sénat, il a mené sa propre étude approfondie, a réservé plus de jours de débat à l’étape de la deuxième lecture et a consacré presque deux fois plus de temps à l’étude en comité en un peu plus de trois mois. De toute évidence, le Sénat a répondu à ceux qui nous ont demandé d’agir de toute urgence. Aujourd’hui, nous pouvons veiller à ce que ce projet de loi soit renvoyé à l’autre endroit et amendé pour qu’il soit meilleur et plus clair.
Honorables sénateurs, je vous prie de voter pour l’adoption du projet de loi C-22 et des amendements très efficaces et moins intrusifs que le Comité des affaires sociales a inclus dans son rapport en se fondant sur les données probantes substantielles qui ont été fournies par des spécialistes des droits des personnes handicapées.
En conclusion, je remercie la ministre Qualtrough de son dévouement et de son savoir-faire en tant que spécialiste des droits des personnes handicapées et parlementaire, le sénateur Cotter de son engagement en tant que parrain du projet de loi, la sénatrice Seidman de sa contribution éclairée en tant que porte-parole officielle pour le projet de loi, la présidente du Comité des affaires sociales, la sénatrice Ratna Omidvar, de sa capacité à orienter les travaux avec doigté, le personnel du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement de leur soutien spécialisé et, bien sûr, les membres du comité. Cela dit, je remercie surtout les témoins et les personnes qui ont communiqué avec les sénateurs dans le cadre de l’étude de cette initiative législative cruciale. Nous avons maintenant l’honneur et la responsabilité de renvoyer un projet de loi amélioré à l’autre endroit, où tous les partis ont reconnu l’urgence d’adopter le projet de loi C-22.
Merci. Meegwetch.
Son Honneur la Présidente : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)
(1510)
[Français]
Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable René Cormier propose que le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénatrices et sénateurs, je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés et à partir desquelles je vous parle aujourd’hui font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabe algonquin.
Chers collègues, nous vivons dans un Canada fier de sa diversité culturelle et riche de sa diversité linguistique, et c’est pour moi un réel privilège de prendre la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
En 1988, la Cour suprême du Canada affirmait ce qui suit dans la décision Ford c. Québec :
Le langage n’est pas seulement un moyen ou un mode d’expression. Il colore le contenu et le sens de l’expression. […] C’est aussi le moyen par lequel on exprime son identité personnelle et son individualité.
C’est donc avec ces affirmations en tête que je prends la parole aujourd’hui au sujet de cet important projet de loi pour l’avenir des droits linguistiques dans notre pays.
[Traduction]
Chers collègues, nous sommes saisis d’une mesure législative essentielle. Le projet de loi C-13 modernise le régime canadien des langues officielles. Étant moi-même membre d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire, je suis particulièrement honoré de parrainer ce projet de loi et de veiller aux dernières étapes de son étude et à son éventuelle adoption.
[Français]
Force est de constater que la Loi sur les langues officielles a eu de nombreuses retombées positives dans nos vies, dans la vie de nos familles et de nos communautés francophones, francophiles et anglophones. Cette loi a participé à définir le Canada d’aujourd’hui et représente un pilier de notre démocratie parlementaire.
Ses effets positifs sont toujours ressentis d’un bout à l’autre du pays, que ce soit dans les familles acadiennes, franco-ontariennes, franco-manitobaines, fransaskoises, franco-albertaines, franco‑colombiennes, franco-ténoises, franco-yukonnaises, franco-nunavoises, ainsi que dans les familles québécoises d’expression anglaise et française.
En tant que minorités, les communautés de langues officielles canadiennes se sont façonnées sur des dynamiques de résilience, de résistance, d’alliance et d’inclusion. Nous sommes tous gagnants et gagnantes, chers collègues, lorsque nous avons accès de façon égale aux deux langues officielles. Le fait d’avoir les deux langues officielles du « vivre ensemble » au Canada favorise l’épanouissement de nos communautés et renforce les relations entre tous les Canadiens et Canadiennes. La Loi sur les langues officielles revêt ainsi un caractère important dans le paysage politique, social et constitutionnel canadien.
Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir été témoins de l’évolution des droits en matière de langues officielles depuis l’adoption de la première loi, en 1969. Nos deux langues officielles font partie intégrante de l’histoire du Canada depuis sa fondation, mais elles ont été renforcées par l’adoption de la première Loi sur les langues officielles.
Rappelons-nous que cela débuta en 1963, alors que le gouvernement du Canada créait la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Cette commission entreprit un examen sur l’état du bilinguisme au pays afin de répondre aux préoccupations formulées par les francophones, notamment à l’endroit des inégalités vécues au sein du gouvernement fédéral.
[Traduction]
C’est à la suite des recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton que la première Loi sur les langues officielles a été adoptée en 1969, faisant du français et de l’anglais les deux langues officielles du Canada. Cela marquait un tournant dans l’histoire de notre pays. La dualité linguistique qui en a découlé allait désormais façonner des éléments importants de l’image et de la culture du pays, qui font partie intégrante de la façon dont la plupart des Canadiens se reconnaissent aujourd’hui.
Grâce à cette loi, le gouvernement libéral est maintenant tenu de mieux communiquer avec les Canadiens et de leur fournir des services dans les deux langues officielles. En outre, la loi a mis en place des obligations qui favorisent l’accès à la justice dans les deux langues officielles et a officialisé le recours aux deux langues officielles dans les délibérations parlementaires.
[Français]
Depuis, le paysage linguistique n’a cessé d’évoluer au Canada. D’autant plus que les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont inscrits dans l’évolution de ces droits linguistiques. C’est en 1969, par exemple, que le Nouveau-Brunswick se déclarait officiellement bilingue — province qui demeure d’ailleurs, à ce jour, la seule province qui porte fièrement ce statut, mais pas sans défis, je dois le reconnaître.
Dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, non seulement l’anglais et le français sont reconnus comme étant des langues officielles, mais les langues autochtones sont aussi reconnues comme telles.
En 1977, le gouvernement du Québec adoptait la Charte de la langue française. En 1985, le Manitoba prenait les mesures nécessaires pour respecter son obligation constitutionnelle quant au bilinguisme législatif, et en 1986, l’Ontario se dotait de la Loi sur les services en français, loi qui reconnaît le droit d’utiliser le français à l’Assemblée législative, qui oblige celle-ci à adopter ses lois dans les deux langues, et qui garantit le droit de recevoir les services provinciaux en français dans certaines de ses régions.
[Traduction]
En effet, depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles, les trois territoires et toutes les provinces ont adopté des lois, des politiques et des programmes qui garantissent des services en français ou qui reconnaissent l’apport des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
L’adoption en 1982 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit notamment le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, un droit essentiel à la vitalité et à l’épanouissement des communautés minoritaires anglophones et francophones, a également été déterminante.
En 1988, une loi modifiée sur les langues officielles a été adoptée. En plus de préserver les acquis de 1969, cette version garantit le droit de travailler dans la langue officielle de son choix dans les institutions fédérales sous certaines conditions. En outre, la loi contient désormais une nouvelle partie, la partie VII, qui présente un nouvel engagement du gouvernement du Canada à promouvoir le français et l’anglais dans la société canadienne.
La loi contient également un nouvel engagement à soutenir l’épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle, c’est-à-dire les communautés francophones hors Québec et les communautés anglophones au Québec.
[Français]
La Loi sur les langues officielles a été à nouveau modifiée en 2005, notamment sous l’impulsion du sénateur Jean-Robert Gauthier, dont je salue la mémoire. L’objectif était de renforcer la partie VII de la loi en y ajoutant l’obligation que les institutions fédérales prennent des mesures positives pour mettre en œuvre l’engagement gouvernemental, et de rendre la partie VII de la loi justiciable, si cet engagement de prises de mesures positives n’était pas respecté.
Cela dit, depuis 2005, la Loi sur les langues officielles n’a pas été revue ni modifiée. Les Canadiennes et les Canadiens s’entendent pour dire qu’une révision s’impose. De plus, au fil des ans, la jurisprudence en matière de droits linguistiques s’est précisée. Tous ces aspects législatifs représentent la fondation de notre régime linguistique.
De plus, c’est par l’intermédiaire de la mise en œuvre de mesures administratives, réglementaires et de programmes que le gouvernement du Canada assure le déploiement de sa vision nationale.
Chers collègues, en recensant l’évolution du régime linguistique canadien, reconnaissons aujourd’hui que les langues officielles du Canada sont au cœur de notre histoire, de notre culture, de nos valeurs, de notre identité et de notre contrat social, et que l’heure est venue de moderniser ce régime au bénéfice de tous les Canadiennes et Canadiens d’aujourd’hui et des générations à venir.
[Traduction]
Pourquoi est-il si important de moderniser la Loi sur les langues officielles maintenant? Parce qu’il ne faut jamais perdre de vue que cette loi est l’une des raisons pour lesquelles les deux langues officielles sont employées et célébrées au Canada. Nous pouvons être fiers de nos langues officielles, du régime linguistique du Canada, qui inclut les langues autochtones, et de la résilience, de l’endurance et de la conviction dont les communautés linguistiques minoritaires au pays font preuve depuis des années.
La loi a littéralement transformé la société canadienne. Le taux de bilinguisme au Canada a augmenté de 50 % depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles d’origine.
Aujourd’hui, 30 ans après sa dernière mise à jour majeure, la Loi sur les langues officielles doit être modernisée afin de demeurer pertinente dans une société en évolution marquée par des réalités technologiques, sociales et démographiques qui n’existaient pas en 1988.
[Français]
Ce projet de loi que nous avons devant nous est le reflet d’un processus de consultation étoffé. Le projet de loi déposé par la ministre des Langues officielles et ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique s’inscrit donc dans une progression historique qui aura évolué au rythme des attentes des Canadiennes et des Canadiens.
(1520)
Malgré les avancées réalisées depuis 1969 à l’échelle fédérale, provinciale et territoriale, il n’en demeure pas moins qu’il faut agir rondement en modernisant le régime de langues officielles du Canada, car le dernier recensement a créé un état d’urgence en faisant état du recul important de la proportion de Canadiennes et de Canadiens bilingues, qui sont en mesure de s’exprimer, de vivre et de travailler dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Le projet de loi est le résultat de consultations auprès d’intervenants de partout au pays, un processus qui a commencé en 2019. De nombreux intervenants ont participé à cette conversation nationale. Les comités parlementaires, le commissaire aux langues officielles, les organismes communautaires, les chercheurs, les associations professionnelles et les syndicats ont tous soumis des mémoires et des rapports de recherche. N’oublions pas les provinces et les territoires qui ont fait connaître leurs visions, leurs positions et leurs aspirations respectives lorsqu’ils ont été consultés.
Rappelons aussi que notre Comité sénatorial permanent des langues officielles avait déjà proposé des modifications à la loi en 2019 dans son rapport final intitulé La modernisation de la Loi sur les langues officielles : la perspective des institutions fédérales et les recommandations, et qu’il a fourni des conseils importants lors de son étude préliminaire du projet de loi C-13, qui ont été effectivement pris en compte dans la version dont nous sommes saisis. Chers collègues, nous devrions être fiers de l’importante contribution de notre comité et du Sénat à la conversation nationale.
Je reconnais et j’apprécie de tout cœur le travail essentiel de la Présidente du Sénat nouvellement nommée lors de nos études sur cette importante question.
[Français]
Permettez-moi de sortir de mon texte, chers collègues, pour féliciter et remercier notre nouvelle Présidente, l’honorable Raymonde Gagné. Rigueur, engagement, collaboration, bienveillance et détermination sont les mots qui me viennent à l’esprit quand je pense à sa contribution à l’étude de ce projet de loi et à la question des langues officielles de façon générale. Merci, madame la Présidente. Merci, madame Raymonde Gagné, pour votre précieuse contribution. La communauté franco-manitobaine, la francophonie canadienne et le Canada tout entier peuvent être fiers de vous. Je vous remercie.
[Traduction]
Personne ne peut nier que notre pays a subi une transformation considérable au cours des 30 dernières années, une transformation encore plus importante depuis l’adoption de la première Loi sur les langues officielles, il y a plus de 50 ans. La modernisation ne se contente donc pas de répondre aux défis en matière de langues officielles d’aujourd’hui, mais anticipe aussi ceux que nous rencontrerons demain.
[Français]
Le projet de loi est l’expression de la vision énoncée dans le document de réforme qui a été rendu public par le gouvernement du Canada en février 2021. Cette vision était articulée autour de six principes directeurs, qu’il me semble important de bien présenter, car ils sont à la base de la nouvelle mouture du projet de loi C-13.
Le premier principe directeur est le suivant : la reconnaissance des dynamiques linguistiques dans les provinces et les territoires et des droits existants en matière de langues autochtones.
Ce principe directeur découle du fait qu’au Canada, les réalités linguistiques varient de manière importante d’un océan à l’autre. Cela est également vrai dans le cas des régimes linguistiques des provinces et des territoires. Toutes les provinces et les trois territoires ont adopté des lois, des politiques ou des programmes pour garantir qu’ils offrent des services en français ou pour reconnaître la contribution de leurs communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Il existe donc une diversité de régimes linguistiques provinciaux et territoriaux dont le gouvernement du Canada tient compte dans le cadre de l’appui qu’il accorde aux langues officielles. De plus, il y existe des domaines d’intervention clés où les pouvoirs sont exclusifs ou partagés entre les différents ordres de gouvernement. Pensons par exemple aux domaines de l’éducation, de la santé, de la culture, de l’immigration et de la justice.
Conformément à ce principe directeur, le gouvernement affirme sa volonté de travailler avec les peuples autochtones et de veiller à la protection, à la promotion et à la revalorisation de leurs langues. Ce projet de loi en fait état et contient une précision indiquant que la Loi sur les langues officielles n’a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou au maintien et à la valorisation des autres langues, et ce, en y mentionnant explicitement les langues autochtones et leur réappropriation, leur revitalisation et leur renforcement.
[Traduction]
Le deuxième principe directeur de la réforme de la Loi sur les langues officielles demande d’offrir des occasions d’apprendre les deux langues officielles.
Les Canadiens ont une opinion positive du bilinguisme, et la plupart d’entre eux en reconnaissent les avantages. Cependant, malgré les efforts et les expressions d’intérêt des familles qui veulent inscrire leurs enfants dans des programmes d’immersion, le recensement de 2021 a sonné l’alarme : le taux de bilinguisme chez les locuteurs anglais à l’extérieur du Québec stagne.
Le gouvernement actuel soutient l’apprentissage de la langue seconde depuis de nombreuses années au moyen d’ententes avec les provinces et les territoires. Cela dit, il veut aller plus loin. Dans le projet de loi C-13, il reconnaît explicitement son engagement à favoriser l’accès à l’apprentissage des langues officielles.
[Français]
L’appui aux institutions des communautés de langue officielle en situation minoritaire agit en fonction du troisième principe directeur de la réforme.
En l’absence d’institutions et de services dans la langue de la minorité, il n’y a pas d’espace public, chers collègues, au sein duquel la minorité peut vivre dans sa langue et réaliser son plein potentiel. Le gouvernement du Canada propose que la loi modernisée favorise le développement du plein potentiel de ces communautés en appuyant la vitalité des institutions dans des secteurs clés.
Le gouvernement doit également offrir des outils essentiels à la défense des droits linguistiques, notamment en protégeant l’accès au Programme de contestation judiciaire, en reconnaissant dans la loi les programmes destinés à la petite enfance qui font partie intégrante du continuum en éducation et en établissant une politique en matière d’immigration renforcée, venant contribuer à l’atteinte des objectifs en matière de langue officielle.
Le quatrième principe directeur consiste en la protection et la promotion du français partout au Canada, y compris au Québec.
Ce projet de loi reconnaît l’usage prédominant de la langue anglaise au Canada et en Amérique du Nord et reconnaît que, dans ce contexte, il est devenu impératif de protéger et de promouvoir la langue française. L’objet de la loi proposé dans cette version est donc clair : favoriser la progression vers l’égalité réelle de statut et d’usage du français et de l’anglais et protéger les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Rappelons que, en matière de droits linguistiques, les tribunaux confirment que l’égalité réelle, par opposition à l’égalité formelle, est la norme applicable en droit canadien. Cette norme signifie essentiellement que l’on doit tenir compte des besoins de la communauté minoritaire pour assurer un accès égal à des services de qualité égale pour les membres des deux collectivités de langue officielle. Sous la plume d’un ancien juge de la Cour suprême du Canada, Me Michel Bastarache, l’éminente décision R. c. Beaulac précisait d’ailleurs que l’objet de la loi, et je cite :
[...] confirme l’égalité réelle des droits linguistiques constitutionnels qui existent à un moment donné.
Le projet de loi C-13 vient énoncer, de manière explicite, que l’égalité réelle est la norme qui doit guider l’interprétation de la loi.
Le projet de loi C-13 inscrit aussi dans la loi que les droits linguistiques doivent être interprétés d’une façon large et libérale en fonction de leur objet et de leur « caractère réparateur ». À titre d’exemple, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés détient un caractère réparateur, car il vise, selon les tribunaux, et je cite :
[...] à remédier, à l’échelle nationale, à l’érosion progressive des minorités parlant l’une ou l’autre langue officielle, à appliquer la notion de « partenaires égaux » des deux groupes linguistiques officiels dans le domaine de l’éducation [...]
Ce principe guidera l’interprétation de la loi afin d’assurer une plus grande protection aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Le projet de loi reconnaît aussi que le secteur privé a un rôle à jouer dans la promotion et la protection du français. Avec la modernisation de la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C-13 s’assure que les entreprises privées sous compétence fédérale fassent leur part pour protéger et promouvoir le français au Québec et dans les régions à forte présence francophone partout au pays. À cet effet, il prévoit des droits et des obligations assurant la possibilité, pour les consommateurs, de communiquer en français avec certaines entreprises privées de compétence fédérale et des droits en matière de langue de travail, permettant notamment aux employés de faire leur travail et d’être supervisés en français.
[Traduction]
Le cinquième principe directeur de la réforme demande au gouvernement du Canada de donner l’exemple en renforçant la conformité au sein des institutions fédérales. En effet, le gouvernement du Canada et ses institutions doivent mettre la loi en œuvre de manière exemplaire. Ce projet de loi comporte des mesures concrètes pour assurer l’accès au système de justice dans la langue officielle de son choix.
(1530)
Il compte également des mesures pour renforcer le rôle du Conseil du Trésor dans la surveillance de la conformité des institutions fédérales aux obligations en matière de langues officielles et dans la reddition de comptes sans pour autant mettre de côté le rôle du ministre du Patrimoine canadien et l’expertise de ce dernier pour cerner les besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Le projet de loi prévoit également de nouveaux pouvoirs pour le commissaire aux langues officielles — qui joue présentement un rôle d’ombudsman — pour l’application de la loi. Le commissaire ne serait plus limité à la formulation de recommandations et disposerait d’une gamme de pouvoirs contraignants, comme le pouvoir de rendre des ordonnances.
[Français]
Enfin, le sixième principe directeur de la réforme du régime des langues officielles est de veiller à ce que nous regardions au-delà des besoins immédiats en matière de langues officielles.
De toute évidence, le paysage linguistique évolue et la société canadienne change tout aussi rapidement. Ce projet de loi contient une toute nouvelle mesure qui assurera la pertinence de la loi en continu au fil des générations à venir. En effet, le projet de loi prévoit une nouvelle obligation de procéder à un examen périodique des dispositions et de l’application de la loi.
Il est le reflet d’une volonté de mener à terme une réforme qui se veut ambitieuse.
Pour être bien clair, le projet de loi prévoit de nouveaux domaines d’intervention, comme l’enseignement postsecondaire en contexte minoritaire, l’immigration francophone, le bilinguisme des juges de la Cour suprême, les droits de travailler et d’être servis en français dans les entreprises privées de compétence fédérale, ainsi qu’un nouveau cadre de gouvernance pour la mise en œuvre.
Le projet de loi C-13 présente donc des avancées importantes afin d’assurer la pérennité de nos deux langues officielles et l’épanouissement de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au pays.
Permettez-moi maintenant de mettre l’accent sur certaines des dispositions phares qui sont prévues dans ce projet de loi.
[Traduction]
Le projet de loi prévoit des mises au point importantes, dont des mesures visant à renforcer la surveillance de la Loi par le Secrétariat du Conseil du Trésor qui a, pour sa part, le mandat de surveiller les institutions fédérales et de faire rapport à leur sujet. Un amendement adopté par l’autre endroit confie au président du Conseil du Trésor le rôle ministériel de coordonner l’application de la Loi sur les langues officielles.
Le ministre du Patrimoine canadien continuera à jouer un rôle de coordination à l’échelle du gouvernement en ce qui concerne la conception et la mise en œuvre des stratégies quinquennales du gouvernement, également connues sous le nom de « plans d’action ».
Le projet de loi vise à équilibrer les différents rôles et responsabilités tout en veillant à ce que le gouvernement fédéral demeure irréprochable et au-delà de tout soupçon de conflit d’intérêts. Cette question a été soulevée par Graham Fraser, ancien commissaire aux langues officielles, dans son rapport de 2008, dans lequel il a déclaré ce qui suit :
Les organismes centraux doivent également éviter d’évaluer leurs propres propositions et, par conséquent, d’assumer les responsabilités d’un programme.
Donald Savoie, professeur et membre émérite à l’Institut Macdonald-Laurier, a fait écho à cette préoccupation dans son allocution au sommet de clôture des Consultations pancanadiennes sur les langues officielles de 2022, en déclarant que « [...] les organismes centraux ne peuvent évaluer leurs propres efforts ».
Le projet de loi prévoit donc une combinaison de responsabilités qui s’appuie sur les forces respectives de ces deux institutions, une formule qui présente l’avantage de faire collaborer plusieurs ministres à la sensibilisation aux questions relatives aux langues officielles et à la recherche de solutions.
[Français]
Le projet de loi C-13 prévoit aussi des mesures qui viennent considérablement renforcer la partie VII de la loi, qui veille à la promotion du français et de l’anglais. En consolidant cette partie de façon substantielle et en précisant la nature et la portée des mesures positives que doivent prendre toutes les institutions fédérales pour favoriser le développement de nos minorités francophones et anglophones et promouvoir le français et l’anglais dans la société canadienne, ce projet de loi prend acte des revendications clairement exprimées lors des consultations. Le projet de loi C-13 précise que les mesures positives doivent être concrètes et prises avec l’intention d’avoir un effet favorable sur la mise en œuvre de certains engagements du gouvernement, notamment celui de protéger et de promouvoir le français.
[Traduction]
En fait, le projet de loi C-13 ajoutera à la loi une liste d’exemples concrets de mesures positives au bénéfice des institutions fédérales. Grâce au projet de loi, le Conseil du Trésor sera également mieux équipé pour vérifier si les institutions fédérales se conforment à leur devoir d’adopter des mesures positives.
De manière plus concrète, le projet de loi permettra au Conseil du Trésor de créer, en collaboration avec Patrimoine canadien, de nouvelles politiques et règles destinées à aider les institutions fédérales à prendre des mesures positives, tout en les tenant responsables de respecter leurs obligations. Il est important de noter qu’un amendement apporté à l’autre endroit permettra également de veiller à ce que le gouvernement envisage l’ajout de dispositions linguistiques dans ses ententes bilatérales avec les provinces et les territoires. C’était une demande importante que de nombreux sénateurs ont entendue, je crois, de la part des communautés.
[Français]
Ainsi, les institutions fédérales devront consulter « effectivement » les communautés dans la prise de mesures positives de la manière suivante, et je cite :
a) recueillir l’information pertinente;
b) obtenir l’opinion des minorités francophones et anglophones et d’autres intervenants concernant les mesures positives faisant l’objet des consultations;
c) fournir aux participants l’information pertinente sur laquelle reposent ces mesures positives;
d) considérer leur opinion avec ouverture et sérieux;
e) être disposées à modifier ces mesures positives.
[Traduction]
La progression vers l’égalité réelle du français et de l’anglais au Canada est un principe important énoncé dans la Charte canadienne des droits et libertés et consacré par la Loi sur les langues officielles.
L’une de nos deux langues officielles est confrontée à une réalité implacable — je fais ici référence au français, bien sûr, une langue minoritaire et, j’ajouterais, très vulnérable. Il y a longtemps que la réalité démographique de l’Amérique du Nord pose un défi considérable à la défense du français au Canada. Depuis un certain nombre d’années, le français connaît un déclin considérable dans notre pays. Malgré les efforts déployés depuis quelques décennies, les données du dernier recensement confirment que le poids démographique des francophones continue de s’amenuiser. Nous devons donc veiller à ce que toute modernisation de la loi tienne compte de la réalité fragile du français au Canada et prévoie des étapes concrètes pour combattre son déclin.
Le projet de loi contient des mesures concrètes qui visent à protéger et à promouvoir le français, notamment l’exigence d’adopter, pour guider les gestes du gouvernement, une politique en matière d’immigration francophone qui comprend des objectifs, des cibles et des indicateurs.
Le projet de loi soutient également des secteurs essentiels à la vitalité des minorités francophones et anglophones, en plus de protéger et de promouvoir la présence d’institutions fortes qui desservent ces minorités.
[Français]
Le gouvernement du Canada a également reconnu que le secteur privé a un rôle à jouer dans la protection du français et, pour cette raison, le projet de loi édicte la création d’une nouvelle loi, la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale, qui vise la création d’un nouveau régime à l’endroit des entreprises privées de compétence fédérale.
Je tiens à souligner d’emblée que le texte législatif contient des amendements adoptés à l’unanimité à l’autre endroit. Ces amendements reflètent une entente de principe avec le Québec et attestent, de manière importante, du fédéralisme coopératif, afin d’harmoniser nos régimes linguistiques pour favoriser la protection et le développement de la langue française, et ce, tout en préservant pleinement les droits des communautés québécoises d’expression anglaise.
Toutes ces propositions visent à rendre les communautés de langue officielle en situation minoritaire des endroits où les personnes peuvent vivre pleinement dans la langue officielle de choix.
Il est prévu que ce nouveau régime offrira une protection accrue du français au profit des francophones du pays et aura pour effet de promouvoir l’épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle du pays.
Chers collègues, la société canadienne change rapidement. Pourtant, la Loi sur les langues officielles n’a pas été revue en profondeur depuis la fin des années 1980. Le projet de loi prévoit donc un mécanisme menant à une révision décennale de la loi, pour s’assurer qu’elle demeure actuelle et qu’elle ait des retombées positives de génération en génération.
Le projet de loi C-13 ne représente qu’une partie de la réforme du régime des langues officielles. En effet, le projet de loi contient uniquement les mesures législatives qui ont été partagées par la ministre des Langues officielles en février 2021 lors du dévoilement du document public de réforme, qui prévoyait également des mesures réglementaires et administratives.
(1540)
Selon les informations que j’ai reçues, le processus de prise de règlements pourrait être lancé dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Ces règlements sont primordiaux pour le déploiement de la vision qui a inspiré ce projet de loi et de la mise en œuvre de certaines mesures phares.
Concrètement, la réforme débute avec la sanction royale, mais elle ne prendra forme dans son entièreté qu’à la suite de la prise de règlements et de la mise en œuvre subséquente de certaines mesures et de nouveaux régimes par l’intermédiaire de décrets.
Trois règlements seront produits : un règlement viendra clarifier les modalités d’application de la prise de mesures positives par les institutions fédérales, des règlements viendront encadrer le nouveau régime à l’endroit des entreprises privées de compétence fédérale et un autre règlement est prévu pour baliser le nouveau champ d’application relatif aux sanctions administratives pécuniaires. Il s’agit de l’un des nouveaux pouvoirs mis à la disposition du commissaire aux langues officielles.
Une série de mesures administratives est également prévue conformément au déploiement de la vision de ce projet de loi. Celles-ci s’inscriront dans la stratégie horizontale pancanadienne en matière de langues officielles pour les années 2023-2028, mieux connue sous le nom de Plan d’action pour les langues officielles.
Bien que cette stratégie phare en matière de langues officielles soit autonome et autosuffisante, elle est implicitement liée au projet de loi C-13, en ce sens qu’elle est l’un des principaux véhicules de mise en œuvre des mesures administratives et législatives de la réforme.
Chers collègues, je crois pouvoir affirmer que le Parlement du Canada, tout comme un grand nombre de Canadiennes et de Canadiens fiers de leurs langues officielles, a à cœur le projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles.
[Traduction]
Je me réjouis que nous puissions enfin étudier le projet de loi. Comme vous, j’ai hâte de voir une loi modernisée qui protégera la langue française et ralentira son déclin au Canada, qui favorisera l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et qui fera progresser l’égalité réelle du français et de l’anglais au Canada. La protection des minorités est un principe fondamental de la Constitution et notre Chambre sert de forum à nos groupes linguistiques.
[Français]
Je tiens aussi à souligner le travail inestimable réalisé par les parlementaires de l’autre endroit et les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui étudient les enjeux associés à la modernisation de cette loi quasi constitutionnelle depuis 2017. Grâce à votre engagement indéfectible, nous sommes maintenant en mesure de procéder à l’étude de cet important projet de loi pour le Canada.
En terminant, chers collègues, et sur une note plus personnelle, permettez-moi d’affirmer que nos langues officielles, nos langues autochtones et toutes les autres langues parlées dans ce vaste territoire qu’est le Canada méritent qu’on les chérisse, qu’on les parle, qu’on les protège, qu’on les célèbre et qu’on assure leur vitalité. Le maintien, l’utilisation, la promotion et l’épanouissement de nos deux langues officielles doivent se faire avec la conscience aiguë de l’importance d’assurer la survie et l’épanouissement des langues autochtones au Canada.
Comme toutes les langues, nos deux langues officielles bougent et se laissent imprégner d’autres langues. Les mots qui les composent se teintent d’une variété de tonalités; c’est ce qui fait leur force et leur richesse. Comme l’a écrit une écrivaine acadienne d’origine française, la Terre-Neuvienne Françoise Enguehard :
Une langue [...] ça se fête toute l’année, ça se polit, ça s’apprend et s’approfondit, ça se défend quand il le faut, ça se fête quand on peut, et ça s’utilise en priorité.
Je vous remercie de m’avoir écouté. Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe, à l’occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada. En m’exprimant sur ce projet de loi, je dois avant tout reconnaître que les langues officielles sont aussi un symbole de colonialisme pour les peuples autochtones du Canada. Outre la question du territoire, l’utilisation prédominante de l’anglais et du français s’est faite au détriment des langues autochtones et de bien d’autres choses encore.
Ayant grandi dans une communauté minoritaire en tant que francophone, je comprends parfaitement le rôle de la langue dans la construction de l’identité et dans la compréhension et la préservation de la mémoire collective d’un peuple. Il est important de rappeler que les langues autochtones font également partie de la riche tapisserie linguistique, culturelle et identitaire de notre beau et grand pays. Nous devons reconnaître cette facette de notre histoire et nous intéresser aux deux langues et à leur vitalité.
[Français]
Bien évidemment, la domination de l’anglais s’est aussi faite au détriment de la francophonie au Canada. Soyons francs, la réforme de la Loi sur les langues officielles est nécessaire et urgente. Depuis des décennies, on observe des baisses constantes du poids démographique de la minorité francophone, tant selon le critère de la langue maternelle, de la langue d’usage à la maison que de la première langue officielle parlée. Nous devons agir maintenant afin de renverser cette tendance qui menace l’épanouissement et le développement de nos communautés.
D’entrée de jeu, sachez que j’appuie le projet de loi C-13 et que je souhaite qu’il soit adopté dans les meilleurs délais. Cependant, je crois qu’il est important de vous faire part des éléments qui sont manquants dans ce projet de loi. Mon discours portera un regard assez critique sur cette proposition législative, compte tenu de l’importance des droits linguistiques des francophones en situation minoritaire et du fait qu’on a attendu pendant plus de 50 ans une réforme substantielle de la Loi sur les langues officielles.
C’est d’abord au moment de la Confédération, en 1867, que la Loi constitutionnelle reconnaît l’usage de l’anglais et du français au Parlement, ainsi que devant les tribunaux fédéraux. En 1969, la première Loi sur les langues officielles fédérales voit le jour. L’avancée à l’époque était l’article 9 de la loi, qui exigeait des ministères, départements et organismes du gouvernement fédéral de veiller à ce que le « public puisse communiquer avec eux et obtenir leurs services dans les deux langues officielles ».
Les droits linguistiques des Canadiennes et Canadiens ont été encore plus renforcés lors de l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution de 1982. La Loi sur les langues officielles a ensuite été révisée en 1988, en déclarant l’engagement du gouvernement à favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et à appuyer leur développement. Cela nous amène à aujourd’hui, en mai 2023, avec l’arrivée du projet de loi C-13 au Sénat.
Comme le disait le poète et philosophe italien Giacomo Leopardi : « La patience est la plus héroïque des vertus, précisément parce qu’elle n’a pas la moindre apparence d’héroïsme. »
Si près de la ligne d’arrivée, cette citation met en lumière les héros qui travaillent dans l’ombre sur cette réforme depuis plusieurs années afin de présenter au gouvernement du Canada un projet de refonte réfléchi et réparateur. Je songe notamment à toutes les personnes et à tous les organismes qui défendent les francophones en situation minoritaire, qui travaillent d’arrache-pied sur ce dossier depuis près de 10 ans et qui ont été les catalyseurs de la modernisation de la loi.
[Traduction]
Il convient aussi de souligner la patience des Canadiens qui aspirent à devenir bilingues ou qui souhaitent que leurs enfants le soient. En tant que pays officiellement bilingue, le Canada devrait établir un cadre législatif qui permet une égalité réelle pour les titulaires de droits, mais qui prévoit aussi l’égalité d’accès à l’immersion linguistique et à l’apprentissage de l’autre langue officielle. Le Canada doit se donner les moyens de réaliser ses ambitions.
Malgré toutes ces avancées législatives et les développements devant les tribunaux — je pense notamment à l’affaire Société des Acadiens et Acadiennes et à l’affaire Beaulac —, le poids démographique des francophones a diminué au fil des ans, tout comme l’usage du français au Canada. La proportion de personnes hors Québec dont la première langue parlée est le français est passée de 6,6 % en 1971 à 3,9 % en 2011.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-13 est le résultat du travail assidu des communautés francophones minoritaires et il pourrait renverser cette tendance. Cependant, le projet de loi a aussi d’importantes lacunes.
[Français]
À la lumière de l’étude préalable du Comité sénatorial permanent des langues officielles et de plusieurs témoignages, j’ai recensé les éléments qui m’apparaissent comme les plus importants, parmi ceux qui ne se retrouvent pas dans la version du projet de loi C-13 que nous venons de recevoir de l’autre endroit. En passant, je félicite le sénateur Cormier de l’excellente présentation qu’il a faite du projet de loi C-13.
(1550)
Si vous avez déjà pris part aux discussions portant sur la réforme de la Loi sur les langues officielles, vous avez sûrement entendu la demande principale des parties prenantes, qui était que le Conseil du Trésor ait la responsabilité de coordonner et d’assurer la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. C’était d’ailleurs l’une des recommandations du Comité sénatorial permanent des langues officielles, dans son rapport intitulé La modernisation de la Loi sur les langues officielles : la perspective des institutions fédérales et les recommandations.
Dans le livre blanc de la ministre Joly, qui est à l’origine du projet de loi C-13, on explique qu’en matière de langues officielles, et je cite :
La reddition de comptes est fragmentée en de multiples processus et rapports et elle n’est pas toujours faite en temps opportun.
On nous dit aussi, et je cite :
Le Conseil du Trésor jouit déjà de pouvoirs […] importants […] mais le recours à ces pouvoirs a diminué au fil du temps […]
Le gouvernement s’engage ensuite à, et je cite :
Renforcer et élargir les pouvoirs conférés au Conseil du Trésor, notamment celui de surveiller le respect de la partie VII de la Loi […]
Le gouvernement s’engage également à « confier le rôle stratégique de la coordination horizontale à un seul ministre […] ».
La responsabilité de mise en œuvre confiée au Conseil du Trésor ne s’applique pas toute à la Loi sur les langues officielles, mais seulement aux parties IV, V et VI et à certains paragraphes de la partie VII, soit au paragraphe 41(5), qui traite des mesures positives et à l’alinéa 41(7)a.1), qui traite des accords bilatéraux.
De toute évidence, le projet de loi C-13 présente une incongruité, puisqu’il oblige le Conseil du Trésor à exercer ce rôle pour certaines sections seulement de la partie VII, contrairement à l’intention exprimée par le gouvernement dans le livre blanc. J’aimerais voir, lorsque viendra le temps de réviser la loi, s’il conviendrait plutôt d’étendre ces obligations à l’ensemble de la partie VII.
Il me semble incohérent que le gouvernement, la Chambre des communes et les comités des langues officielles des deux endroits s’entendent sur ce point, mais que le projet de loi C-13 restreigne de cette manière l’étendue des pouvoirs du Conseil du Trésor.
Malgré tout, le projet de loi et les amendements qui concernent l’agence centrale répondent en partie aux doléances des organismes représentant les intérêts des communautés de langue officielle en situation minoritaire en élargissant les pouvoirs du Conseil du Trésor et en remplaçant ses pouvoirs discrétionnaires par des obligations.
Après des années de mise en œuvre aléatoire et partielle, ceci permettra de renforcer la surveillance et la responsabilisation en matière de langues officielles dans l’ensemble du gouvernement du Canada.
D’autre part, une autre incohérence était présente dans le projet de loi C-13, car l’on conférait un rôle de premier plan dans sa mise en œuvre à Patrimoine canadien. Le Comité des langues officielles de l’autre endroit a corrigé le tir en accordant au Conseil du Trésor la responsabilité d’assumer ce rôle de premier plan au sein du gouvernement fédéral quant à la mise en œuvre de la loi. Je me réjouis de cette correction apportée par l’autre endroit.
Bien que le comité des Communes ait adopté un amendement visant à favoriser l’inclusion de clauses linguistiques dans les accords avec les provinces et territoires, les dispositions sur les accords bilatéraux ne sont pas contraignantes et on n’a pas défini le contenu minimal des clauses linguistiques.
Le langage employé est à ce point faible que je me demande réellement si l’intégration de cette disposition mènera à un quelconque résultat.
Pourtant, les obligations juridiques en matière de langues officielles du gouvernement fédéral ne s’arrêtent pas au moment des transferts aux provinces et aux territoires. Trop souvent, les minorités de langue officielle en situation minoritaire n’ont pas accès aux fonds auxquels ils ont droit pour s’épanouir et se développer. Ce problème systémique est observé à tous les niveaux dans nos communautés, de la petite enfance au postsecondaire, en passant par le communautaire.
En l’absence de dispositions dans le projet de loi C-13 qui rendent les clauses linguistiques exécutoires, nous devrons exercer une surveillance et une vigilance en ce qui a trait à la mise en œuvre de ces dispositions en tant que Chambre de second examen objectif. Le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral doit se faire dans le respect de ses obligations en matière de langues officielles. Il s’agit même parfois de droits constitutionnels, lorsqu’il est question des ayants droit, conformément à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Ceci fait le pont vers mon troisième point.
L’accès à des données complètes sur la fréquentation des écoles primaires et secondaires est indispensable, puisque cet accès est assujetti à un critère numérique. « Là où le nombre le justifie » signifie que les parents et les conseils scolaires doivent parvenir à justifier leurs demandes pour des établissements scolaires réservés à la minorité en démontrant aux provinces et territoires qu’un nombre suffisant d’enfants y a droit en vertu de l’article 23 de la Charte.
Les dispositions du projet de loi C-13 concernant le dénombrement des ayants droit ne sont pas assez vastes ni contraignantes. La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) demande notamment que le projet de loi prévoie que le gouvernement fédéral s’engage à faire dénombrer périodiquement les enfants en vertu de l’article 23 de la Charte.
Un amendement a été présenté au comité de l’autre endroit afin d’obliger le dénombrement, par opposition à l’estimation du nombre d’enfants d’ayants droit prévu au paragraphe 41(4) de la Loi sur les langues officielles. Toutefois, un sous-amendement a modifié le texte de la façon suivante : « Le gouvernement fédéral estime périodiquement à l’aide des outils nécessaires, le nombre d’enfants. » Cela amoindrit grandement la force de l’amendement proposé.
La fonctionnaire qui comparaissait devant le comité a expliqué les alternatives de la manière suivante :
Bref, dénombrer veut dire compter. Si on veut vraiment compter les ayants droit, il faut pouvoir utiliser d’autres outils qui relèvent des provinces et des territoires. [...]
S’il s’agit de faire une estimation, alors le fédéral à lui seul peut le faire. C’est un portrait instantané. Si on choisit le terme « dénombrer », alors il faut vraiment passer par les provinces pour confirmer les chiffres exacts de manière ponctuelle [...]
J’ai du mal à comprendre comment le partage des compétences fait obstacle à la création d’une obligation de dénombrer des enfants qui ont droit à une éducation dans la langue officielle de la minorité. La promotion et le respect des droits des minorités de langue officielle sont une responsabilité du gouvernement fédéral. Le gouvernement se doit notamment de favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage des langues officielles en vertu du paragraphe 16(3) de la Charte. J’espère que nous étudierons avec vigueur la question du dénombrement au Comité des langues officielles du Sénat.
La Fédération nationale des conseils scolaires francophones demande aussi que la Loi sur langues officielles oblige les institutions fédérales à tenir compte des besoins du réseau scolaire des ayants droit dans le cadre du processus d’aliénation des biens immobiliers fédéraux.
Un amendement adopté par la Chambre des communes prévoit que les ministères et institutions fédérales devront consulter les communautés minoritaires et tenir compte de leurs besoins et priorités dans le cadre d’une stratégie d’aliénation.
Nous devrons étudier la teneur de cet amendement au Comité sénatorial permanent des langues officielles.
La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, a déclaré que les ayants droit doivent bénéficier d’une expérience éducative réellement équivalente à celle qui est offerte dans les écoles avoisinantes de la majorité.
L’intégration de dispositions dans le projet de loi C-13 au sujet de l’aliénation des biens-fonds fédéraux pourrait prévenir les cas semblables, dans le but d’atteindre l’égalité réelle entre les communautés majoritaires et minoritaires d’une province ou d’un territoire donné.
Cette histoire se répète trop souvent dans nos communautés.
Je me dois aussi de souligner les bons coups du projet de loi C-13.
L’immigration francophone est l’un des facteurs déterminants du poids démographique des francophones au Canada. L’immigration est aussi l’un des domaines de compétence où le gouvernement fédéral peut agir et exercer une influence notable quant à la composition des nouveaux arrivants.
Malgré l’existence d’une cible de 4,4 % en immigration francophone depuis près 20 ans, celle-ci est désuète, puisqu’elle ne permet pas d’assurer le maintien du poids démographique des francophones au Canada. Le gouvernement a récemment atteint cette cible, mais il s’agissait d’une première.
Force est de constater que nous avons besoin de bien plus qu’une simple politique en immigration francophone. Les élus de l’autre endroit ont bien compris cet enjeu et son importance pour la vitalité de nos communautés et du fait français au Canada.
Comme premier pas dans la bonne direction, le projet de loi énonce l’obligation pour le Canada de se doter d’une politique en immigration francophone qui contiendra des objectifs, des cibles et des indicateurs en vue d’augmenter l’immigration dans les communautés francophones en situation minoritaire.
Afin d’améliorer cette disposition, le Comité des langues officielles de l’autre endroit a adopté à l’unanimité un amendement qui prévoit que le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de l’immigration francophone en « assurant » le rétablissement et l’accroissement du poids démographique des minorités francophones, suggérant ainsi une obligation de résultat.
En matière d’immigration francophone, le mandat accordé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dans le projet de loi C-13 est finalement clair, précis et contraignant. La fonction publique doit opérationnaliser un changement de culture qui s’annonce prometteur pour l’avenir de nos communautés.
Son Honneur la Présidente : Madame la sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus? Honorables sénateurs, consentez-vous à accorder cinq minutes de plus?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Moncion : Merci, chers collègues.
[Traduction]
Le projet de loi C-13 est très important pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire parce que la Loi sur les langues officielles sert en quelque sorte de contrepoids à un système fédéral décentralisé pour la mise en application des droits linguistiques dans un contexte minoritaire. En tant que fière Franco‑Ontarienne ayant grandi dans une province qui a longtemps et souvent piétiné les droits linguistiques de sa minorité francophone, du Règlement 17 à la menace d’abolir l’Université de l’Ontario français et l’Hôpital Montfort, pour ne citer que quelques crises linguistiques, je suis consciente de l’importance du régime fédéral des droits linguistiques dans la représentation des intérêts des personnes issues d’une communauté de langue officielle en situation minoritaire au Canada.
(1600)
Dans la plupart des provinces et territoires autres que le Québec, le français ne bénéficie d’aucune protection juridique. Le Nouveau‑Brunswick fait exception, étant la seule province officiellement bilingue, ainsi que, d’une certaine manière, la province de l’Ontario, avec sa loi sur les services en français. Par conséquent, le bilinguisme officiel fédéral a longtemps été le garant des droits des minorités francophones au Canada. La mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles a une incidence directe sur le respect des droits linguistiques des francophones en situation minoritaire.
[Français]
Parmi les avancées notables proposées dans le projet de loi C-13, il y a notamment la reconnaissance du français comme langue minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais, l’élargissement et le renforcement des pouvoirs du Conseil du Trésor comme agence centrale responsable de mettre en œuvre une bonne partie de la loi, la clarification des mesures positives et l’obligation d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada d’adopter une politique en matière d’immigration francophone.
Plusieurs des amendements adoptés au Comité permanent des langues officielles de l’autre endroit renforcent le cadre législatif proposé.
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles est l’auteur d’un rapport portant sur la modernisation de la loi, qui a inspiré les différents projets de réforme de la Loi sur les langues officielles. Afin que nous puissions entamer notre travail de révision dès que possible, je vous prie, chers collègues, de renvoyer le projet de loi C-13 au Comité sénatorial permanent des langues officielles dans les plus brefs délais.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, nous sommes saisis du projet de loi C-13, qui vise à apporter le premier changement majeur à la Loi sur les langues officielles depuis 1988, et qui s’appuie sur une série de recommandations sur la modernisation de la loi. La Loi sur les langues officielles a été proposée en 1968 et promulguée en 1969, il y a près de 55 ans. Il y a 54 ans, il s’agissait d’une loi importante et révolutionnaire, et elle a bien servi notre pays au fil des années. Honorables collègues, les temps ont changé, et le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est une occasion manquée d’inclure les langues autochtones dans la Loi sur les langues officielles.
Lorsque la Loi sur les langues officielles a été promulguée, il y a 54 ans, c’était la bonne chose à faire en 1969. Aujourd’hui, en 2023, nous avons de nouveau l’occasion de prendre la bonne décision en accordant aux langues autochtones un statut égal et les mêmes protections juridiques que les deux langues officielles, les langues fondatrices.
Honorables collègues, nous devons prendre du recul et nous demander si les politiques concernant nos deux langues fondatrices — le français et l’anglais — sont un héritage de notre passé colonial. Avant l’arrivée des francophones et des anglophones dans cette partie de l’Amérique du Nord, de nombreuses langues autochtones étaient déjà parlées ici. Ce sont les vraies langues fondatrices du territoire où nous vivons aujourd’hui.
Chers collègues, n’est-il pas préférable de réfléchir à la véritable histoire du Canada et de reconnaître que de nombreuses langues autochtones peuvent être des langues fondatrices? Le Sénat peut-il jouer un rôle majeur et saisir cette occasion historique pour renvoyer le projet de loi C-13 à la Chambre des communes et lui dire de faire mieux? Demandons-lui d’inclure la protection des langues autochtones dans ce projet de loi. Demandons-lui d’accorder aux langues autochtones la même protection juridique que celle que nous accordons à l’anglais et au français au pays. Chers collègues, embrassons le nouveau Canada. Soyons ouverts à l’avenir au lieu de résister au changement et de nous battre pour le statu quo.
Le projet de loi C-13 qui nous est présenté trouve son origine dans la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme de 1963, qui a donné l’impulsion nécessaire pour élaborer la loi qui a suivi. En 1968, le premier ministre Pierre Trudeau a déclaré à la Chambre des communes qu’il soutenait la Loi sur les langues officielles :
Dans toutes les parties du pays, au sein des deux groupes linguistiques, il y a ceux qui réclament l’uniformité. Ce sera plus simple et moins cher, disent-ils. Dans le cas de la minorité française, l’isolement est prescrit comme étant nécessaire à la survivance. Nous ne devons jamais sous-estimer la force ou la durabilité de ces appels aux sentiments humains profonds.
Il est certain que ces arguments se fondent sur la peur, sur une conception étroite de la nature humaine, et sur une évaluation défaitiste de notre habileté à modifier notre société et ses institutions pour répondre aux demandes de ses citoyens. Ceux qui défendent la séparation, sous quelque forme que ce soit, sont prisonniers des injustices passées, aveugles aux possibilités de l’avenir.
Nous avons rejeté cette façon de voir notre pays.
C’était la conclusion du premier ministre Pierre Trudeau. Ces mots percutants prononcés en 1968 s’appliquent également au Canada aujourd’hui lorsque nous discutons des langues autochtones. Toutefois, ils ont été prononcés il y a plus d’un demi-siècle, avant que nous ayons une compréhension plus complète de la culture autochtone du Canada.
Cela dit, ne nous méprenons pas : dès 1963, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme était explicite quant à l’importance de la langue pour la culture. Elle a déclaré :
La langue est en outre la clef du progrès culturel. Certes, langue et culture ne sont pas synonymes, mais le dynamisme de la première est indispensable à la préservation intégrale de la seconde.
Vu notre sensibilisation accrue à la culture et à l’histoire autochtones, ce même argument peut aujourd’hui s’étendre aux langues autochtones.
Plus récemment, dans son rapport final publié en juin 2015, la Commission de vérité et réconciliation a demandé au gouvernement fédéral « [...] de reconnaître que les droits des Autochtones comprennent les droits linguistiques autochtones ».
Chers collègues, à ce jour, les gouvernements du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et de la Colombie-Britannique sont les seuls au Canada à avoir adopté une loi visant à protéger et à promouvoir les langues autochtones. Lorsque la Commission de vérité et réconciliation a publié son rapport, le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à mettre en œuvre toutes ses recommandations. De plus, le Canada appuie la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dans laquelle les droits en matière de culture et de langue sont au cœur de 17 des 46 articles de la déclaration ainsi que de la protection et de la promotion de la culture autochtone.
Par exemple, l’article 13 de la déclaration des Nations unies stipule ce qui suit :
Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d’écriture et leur littérature, ainsi que de choisir et de conserver leurs propres noms pour les communautés, les lieux et les personnes.
L’article 8 précise ce qui suit :
Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture.
À cette fin et en réponse aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, qui a reçu la sanction royale le 21 juin 2019.
Malheureusement, la Loi sur les langues autochtones ne prévoit pas de protections législatives pour les langues autochtones, contrairement à la Loi pour les langues officielles pour le français et l’anglais. La Loi sur les langues autochtones vise à promouvoir les langues autochtones au moyen de mesures positives, mais le commissaire aux langues autochtones n’a pas les mêmes pouvoirs en matière d’application de la loi que ceux qui sont conférés au commissaire aux langues officielles, des pouvoirs que le projet de loi C-13 renforce. Ce qu’il est encore plus important de souligner, c’est que les Autochtones qui considèrent que leurs droits linguistiques ont été lésés n’ont aucun recours devant les tribunaux pour dénoncer les infractions perçues à la loi, contrairement à la partie X de la Loi sur les langues officielles, qui prévoit un recours judiciaire pour les plaignants devant la Cour fédérale.
Pourquoi n’y a-t-il pas de tels recours judiciaires dans le projet de loi C-91, la Loi sur les langues autochtones? Chers collègues, nous avons devant nous une mesure législative remplie de bonnes intentions, qui offre des mots de réconfort et une petite tape sur l’épaule dans un élan de paternalisme, mais elle n’offre aucun pouvoir en vue de son application.
Dans le passé, le Sénat a fait preuve de leadership dans les dossiers relatifs aux langues. Le projet de loi S-3, qui a été présenté en 2005 par feu le sénateur Jean-Robert Gauthier, avait pour but de donner du mordant à la Loi sur les langues officielles en soulignant le caractère exécutoire de l’engagement énoncé à la partie VII de cette loi. Deuxièmement, il a imposé des obligations aux institutions fédérales concernant la mise en œuvre de cet engagement.
(1610)
Troisièmement, le projet de loi incluait un pouvoir réparateur permettant aux tribunaux de surveiller la mise en œuvre de la loi par les gouvernements. Le projet de loi a été adopté par les deux Chambres et a reçu la sanction royale en novembre 2005.
Chers collègues, nous devons à la communauté autochtone d’embrasser le nouveau Canada que nous bâtissons ensemble. La vieille façon de penser canadienne dont témoigne le projet de loi C-13 est en partie le résultat de l’histoire déformée que nous avons tous apprise à l’école, et des grandes failles dans nos connaissances des peuples autochtones, de leurs coutumes et de leur société.
Cette méconnaissance de l’histoire des Autochtones dans la société canadienne s’estompe tranquillement, et le projet de loi devrait offrir une protection juridique aux droits linguistiques des Autochtones, ce qui nous permettra de dépasser l’idée archaïque que le Canada aurait seulement deux langues officielles.
Encore une fois, chers collègues, s’il en a la volonté — comme cela a été le cas dans le passé —, le Sénat peut améliorer la loi linguistique et changer le statu quo.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)
Première lecture
Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Le Sénat
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 17 mai 2023, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 30 mai 2023, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi sur la sécurité des postes au Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-256, Loi modifiant la Loi sur la Société canadienne des postes (saisie) et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je demande que le débat sur ce projet de loi soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu’il me reste.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, bonjour, tansi.
En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, le territoire traditionnel des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas, des Dénés et de la patrie de la nation métisse.
Je souligne que le Parlement du Canada est situé sur le territoire du peuple algonquin anishinabe, non cédé et non restitué.
[Traduction]
Je prends la parole pour exprimer mon appui au projet de loi C-226, présenté à l’autre endroit par la députée Elizabeth May, co-cheffe du Parti vert, et parrainé au Sénat par mon estimée collègue du Manitoba la sénatrice M. J. McCallum.
Honorables sénateurs, il est réconfortant de constater qu’il s’agit de l’un des rares projets de loi d’initiative parlementaire à avoir obtenu le soutien du gouvernement, comme vous l’avez entendu lorsque le sénateur Gold s’est prononcé en faveur de ce projet de loi plus tôt cette semaine.
J’espère pouvoir exprimer au mieux mon soutien à ce projet de loi — qui demande au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre le racisme environnemental — en soulignant comment son adoption permettra au Canada de mieux remplir ses obligations internationales, notamment en ce qui a trait à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Rappelons que le Canada a présenté des excuses aux peuples autochtones et qu’il doit maintenant agir en conséquence. Le projet de loi C-226 pourrait bien donner une impulsion à ces actions.
J’ai écouté les autres discours faits dans le cadre de ce débat. On a déjà fait mention du contexte international, mais j’espère pouvoir ajouter des précisions utiles à ce sujet pour montrer que le projet de loi C-226 mérite notre appui.
Permettez-moi de commencer par une explication des raisons qui font que le respect et la mise en œuvre des obligations du Canada en matière de droits de la personne sont importants et pertinents pour ce projet de loi de lutte contre le racisme environnemental.
Voici ce que l’Institut de recherche en politiques publiques a affirmé pas plus tard qu’hier :
Le Canada jouit depuis longtemps d’une bonne réputation internationale en matière de droits de la personne, mais notre bilan national est moins reluisant qu’il n’y paraît. Nos décideurs ont plus d’une fois échoué à mettre en application les recommandations et les traités de l’ONU sur des questions raciales, d’égalité de genre, de droits des peuples autochtones, de réfugiés, de migrants, d’handicaps, d’accès au logement, de forces de l’ordre et de redditions de compte des grandes entreprises.
(1620)
La ratification par le Canada de tout traité international relatif aux droits est motivée par notre engagement constitutionnel en faveur des droits à l’égalité et par le fait que la mise en œuvre de tels traités permettra aux Canadiens de faire valoir leurs droits, et pas uniquement de les connaître et de les revendiquer.
Sur la scène internationale, le Canada a ratifié ou signé sept traités de l’ONU sur les droits de la personne reconnaissant les effets néfastes des substances et des déchets dangereux sur divers droits de la personne. Aux termes de ces traités, le Canada a des obligations précises. Ces obligations, assumées volontairement par le Canada en signant et en ratifiant ces traités, définissent clairement les engagements à protéger, respecter et réaliser les droits universels de la personne, notamment les droits à la vie et à la dignité; à la santé; à la sécurité de la personne et à l’intégrité physique; à la salubrité des aliments et à l’eau potable; à un logement adéquat; et à des conditions de travail sûres et saines.
Le Canada a des obligations précises en matière de protection des droits de tous ses citoyens, obligations qui reposent toutes sur la protection contre la discrimination. C’est en raison de ces droits et obligations que le Canada est tenu de lutter contre le racisme environnemental.
Le projet de loi C-226 est une mesure concrète et raisonnable qui permettra au Canada de se conformer beaucoup plus à ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
Sous le titre abrégé de « Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale », ce projet de loi prévoit que la stratégie nationale doit comprendre des mesures visant à examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental; à recueillir des renseignements et des statistiques sur l’emplacement des dangers environnementaux; à recueillir des renseignements et des statistiques sur les effets négatifs sur la santé dans les collectivités qui ont été touchées par le racisme environnemental; et à évaluer l’administration et l’application des lois environnementales dans chaque province. Elle doit également comprendre des mesures visant à s’attaquer au racisme environnemental en ce qui concerne les modifications possibles des lois, des politiques et des programmes fédéraux; la participation des groupes communautaires à l’élaboration des politiques environnementales; l’indemnisation des personnes ou des communautés; le financement continu des collectivités touchées; et l’accès des collectivités touchées à de l’air et à de l’eau propres.
Dans son rapport de 2020 sur le Canada, le rapporteur spécial de l’ONU sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, après avoir visité un certain nombre de communautés racisées et rencontré des représentants du gouvernement en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, a noté ce qui suit :
[...] Le Canada a des obligations concernant les droits à l’information, à la participation, à l’accès à la justice et aux voies de recours, ainsi que des obligations spécifiques concernant les droits des peuples autochtones, des enfants, des personnes de sexes différents, des travailleurs, des minorités, des migrants et des personnes handicapées, parmi d’autres groupes vulnérables [...]
Ensemble, ces droits et obligations créent un devoir pour le Canada de prévenir l’exposition aux substances toxiques et autrement dangereuses. La seule façon d’empêcher les violations des droits de l’homme mentionnés ci-dessus est de prévenir l’exposition [...] Cela dit, les entreprises ont également des responsabilités essentielles dans la prévention de l’exposition.
Pour respecter le temps de parole qui m’est accordé aujourd’hui, je vais limiter le nombre de références au rapport sur le Canada de Baskut Tuncak, ancien rapporteur spécial des Nations unies. Je vais toutefois noter qu’il a souligné que le Canada a ratifié tous les traités internationaux sur les produits chimiques et les déchets et qu’il est en voie d’appuyer la modification d’interdiction à la Convention de Bâle, laquelle a été adoptée par le Canada en 1992 et dont l’objectif principal est de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets négatifs des déchets. Si le Canada respecte et met en œuvre la modification d’interdiction à la Convention de Bâle, les déchets dangereux ne peuvent plus être exportés vers d’autres pays à partir d’ici.
Le rapporteur spécial des Nations unies soulève également de nombreuses inquiétudes. Par exemple, il souligne le « bourbier juridictionnel » auquel sont confrontés les peuples autochtones, où les réserves sont souvent laissées pour compte dans le fouillis des compétences fédérales et provinciales, ce qui présente un risque d’exposition non réglementée. Par exemple, à l’échelle du Canada, les normes provinciales de qualité de l’eau potable ne s’appliquent pas aux réserves, et les normes fédérales ne sont pas juridiquement contraignantes, comme elles n’ont pas encore été établies. Comme le dit le rapporteur spécial des Nations unies : « Le partage des compétences juridictionnelles n’excuse pas les lacunes du gouvernement pour ce qui est d’agir rapidement afin de contrer l’exposition aux substances toxiques. »
Il a aussi noté ce qui suit :
[...] Les groupes marginalisés, et les peuples autochtones en particulier, se retrouvent du mauvais côté d’un fossé toxique, soumis à des conditions qui ne seraient pas acceptables ailleurs au Canada.
Honorables collègues, le racisme environnemental a deux composantes principales : l’injustice liée à la distribution spatiale et l’injustice procédurale. La première concerne principalement l’emplacement inéquitable des pollueurs industriels et d’autres projets dangereux pour l’environnement, alors la seconde a trait aux mécanismes institutionnels et aux politiques qui perpétuent la distribution inéquitable de ces activités.
Près de chez moi, année après année, les dirigeants autochtones du Manitoba présentent des actions bien documentées de Manitoba Hydro, qui — comme ils l’ont fait remarquer — montrent comment ces deux composantes de l’injustice fonctionnent de manière systémique au détriment des collectivités des Premières Nations et, bien trop souvent, à leur destruction.
Selon l’organisme Wa Ni Ska Tan, une alliance des Premières Nations du Manitoba :
Depuis plus de 100 ans, Manitoba Hydro profite de la situation aux dépens de ses partenaires des Premières Nations. Elle encourage le développement de mégaprojets hydroélectriques dévastateurs pour gagner des millions de dollars en exportant de l’électricité vers les États-Unis, et les collectivités autochtones en paient 1 000 fois le prix. Les nouveaux partenariats [...] ne font que répéter la même chose, les collectivités se retrouvant avec des millions de dollars de dettes — en plus des coûts culturels et environnementaux — pour une centrale qui n’apporte que peu ou pas d’avantages économiques.
Chers collègues, il y a une ironie cruelle dans le fait que de nombreuses familles des Premières Nations rapportent devoir payer de grosses factures d’électricité, souvent supérieures à 500 $ par mois. Cela semble particulièrement injuste vu que l’énergie provient de leurs terres ancestrales maintenant détruites.
Bref, au Manitoba, les modes de vie traditionnels sont souvent minés ou détruits par le racisme environnemental. Par exemple, la sénatrice McCallum a parlé ici des effets négatifs des camps de travailleurs et de la façon dont cet afflux de travailleurs venus de l’extérieur pour des travaux hydroélectriques peut entraîner une hausse de l’exploitation sexuelle, de la toxicomanie et des bouleversements sociaux, le tout exacerbé par des incidents marqués par le racisme et le sexisme qui ont mené à de la violence et à des pertes.
Dans la conclusion de son rapport sur le Canada, la rapporteuse spéciale de l’ONU a fait une série de recommandations auxquelles le projet de loi C-226 donne suite de manière positive. En voici une qui concerne directement l’adoption de ce projet de loi : « Établir un solide cadre de justice environnementale fondé sur les principes de la justice procédurale, de la justice géographique et de la justice sociale. »
Chers collègues, compte tenu de l’importance des sujets abordés et consciente du fait que le temps que nous pourrons consacrer à l’étude de projets de loi non gouvernementaux s’amenuisera au cours de ces précieuses et intenses dernières semaines avant l’ajournement en juin, je vous invite à appuyer activement ce projet de loi. Renvoyons-le au comité afin de pouvoir l’examiner plus en profondeur dès que possible.
Merci. Meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1630)
[Français]
Régie interne, budgets et administration
Huitième rapport du comité—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Modifications au Règlement administratif du Sénat, présenté au Sénat le 16 mai 2023.
L’honorable Lucie Moncion propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, ce rapport contient une recommandation du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration visant à réviser un article du Règlement administratif du Sénat.
La disposition en question, l’article 11 du chapitre 3:03, stipule actuellement que l’autorisation du comité directeur du Comité de la régie interne est requise pour toute utilisation commerciale de la propriété intellectuelle du Sénat, sauf s’il s’agit d’une utilisation équitable, une exception prévue par la Loi sur le droit d’auteur.
Le comité recommande que cette disposition soit modifiée de manière à ce que l’autorisation du comité directeur ne soit plus requise lorsque l’utilisation commerciale est négligeable ou lorsqu’une exception statutaire, au-delà de la simple utilisation équitable, s’applique.
[Traduction]
Le Sénat du Canada crée et possède différents éléments de propriété intellectuelle, depuis les enregistrements des débats tenus au Sénat et dans les comités jusqu’au matériel que nous publions sur notre site Web pour faire connaître notre travail aux Canadiens. Conformément au Règlement administratif du Sénat, les demandes présentées par des membres du public pour l’utilisation de cette propriété intellectuelle sont traitées par l’Administration, plus précisément par la Direction des communications, avec le soutien du Bureau du légiste et conseiller parlementaire. Comme l’exige actuellement la disposition dont il est question dans le rapport, chaque fois qu’une demande comporte un élément commercial, aussi accessoire, insignifiant ou improbable soit-il, l’Administration la soumet au comité directeur pour qu’il l’oriente.
En adoptant ce rapport, le Sénat simplifiera le processus de traitement des demandes présentées par le public, puisque le comité directeur aura un nombre moins élevé de demandes à examiner. Il continuera toutefois d’approuver ou de rejeter les demandes portant sur une utilisation commerciale importante de la propriété intellectuelle du Sénat.
J’ajoute que l’Administration produira des rapports trimestriels à propos des demandes qu’elle a reçues et de la façon dont elles ont été traitées.
Enfin, ce rapport fera aussi référence aux exceptions statutaires qui touchent généralement la propriété intellectuelle. Il confirmera également la pratique actuelle de l’Administration, soit de se conformer à la loi canadienne en tenant compte des exceptions applicables.
Je vous remercie. Sur ce, s’il n’y a ni questions ni débat, je propose l’adoption du rapport.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
L’étude sur les dispositions et l’application de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales
Dixième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l’étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, déposé au Sénat le 16 mai 2023.
L’honorable Peter M. Boehm propose :
Que le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes: Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui a été déposé au Sénat le mardi 16 mai 2023, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du dixième rapport du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Renforcer l’architecture des sanctions autonomes canadiennes : Examen législatif quinquennal de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Ce rapport exhaustif est l’aboutissement de huit réunions qui se sont tenues entre le 26 octobre 2022 et le 15 février de cette année. Au cours de son étude, le comité a entendu 26 témoins experts, notamment des fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada, des experts des domaines juridique et bancaire, des universitaires de renom, des défenseurs des sanctions et des membres de la société civile. Je mettrai l’accent sur trois témoins particulièrement connus que le comité a eu l’honneur d’entendre.
Bill Browder est un auteur et le responsable de la campagne mondiale pour la justice Magnitski. Son avocat, Sergueï Magnitski, est, bien entendu, la source d’inspiration de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, également appelée loi de Sergueï Magnitski.
Evguenia Kara-Murza est coordinatrice des activités de défense de la Free Russia Foundation. Son mari, Vladimir Kara-Murza, militant politique russe et leader de l’opposition, est emprisonné en Russie pour trahison, en partie pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine. Comme son mari, Mme Kara-Murza est une militante de longue date, inébranlable et courageuse, en faveur de l’introduction de lois de Magnitski dans le monde entier, et de l’imposition de sanctions du type prévu par ces lois contre la Russie en particulier.
Enfin, nous avons entendu notre chère ancienne collègue sénatrice et ma prédécesseure à la présidence du comité, l’honorable Raynell Andreychuk. Au Canada, c’est l’ancienne sénatrice Andreychuk qui est à l’origine de la loi de Sergueï Magnitski. Elle a parrainé projet de loi S-226, qui a reçu la sanction royale le 18 octobre 2017.
Le projet de loi de la sénatrice Andreychuk et la date à laquelle il est entré en vigueur ont motivé le comité à mener son étude. L’article 16 de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus exige la production d’un rapport et la réalisation d’un examen. L’article 16(1) se lit comme suit :
Dans les cinq ans qui suivent la date d’entrée en vigueur du présent article, un examen approfondi des dispositions et de l’application de la présente loi et de la Loi sur les mesures économiques spéciales doit être fait par les comités du Sénat et de la Chambre des communes que chaque chambre désigne ou constitue à cette fin.
Du point de vue de la procédure, c’est ce qui explique pourquoi le comité a décidé d’entreprendre cette étude à ce moment-là. Notons toutefois qu’elle ne lui a pas été imposée. Le comité a activement cherché à obtenir du Sénat l’autorisation de mener cette étude, ce qui lui a été accordé le 17 octobre l’année dernière. À mon avis tout à fait objectif, parmi les comités des deux Chambres du Parlement, le comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce était le mieux placé pour s’occuper de ce dossier, étant donné la solide réputation des comités du Sénat et la nature moins partisane de ce dernier.
L’article 16(2) se lit comme suit :
Dans l’année qui suit le début de son examen ou dans le délai supérieur que la chambre en question, selon le cas, lui accorde, chaque comité visé au paragraphe (1) remet son rapport au Parlement, accompagné des modifications qu’il recommande.
C’est ce que le comité a fait, chers collègues, bien avant l’échéance d’un an, et j’y reviendrai un peu plus en détail aujourd’hui.
Si, en tant que président, je tenais tant à ce que le comité entreprenne le premier examen complet des dispositions et des opérations de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, c’est en partie parce que, comme nous le savons tous, les sanctions ont été l’un des outils diplomatiques les plus utilisés et l’une des questions les plus débattues au cours des 15 derniers mois, depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, le 24 février 2022.
(1640)
Par ailleurs, il est de plus en plus important d’inclure ces instruments législatifs dans les outils à la disposition du gouvernement, d’autant plus que la Loi sur les Nations unies est employée moins fréquemment en raison de l’impasse qui subsiste au Conseil de sécurité des Nations unies en ce qui concerne les sanctions et de bien d’autres problèmes. Autrement dit, honorables collègues, le moment est bien choisi pour faire cette étude, compte tenu des procédures et des sujets d’actualité.
Comme le rapport l’indique, au cours de l’étude, les témoins ont souligné diverses améliorations apportées au régime de sanctions au cours des cinq dernières années, dont la création de la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes. Toutefois, ils ont aussi souligné que le gouvernement du Canada doit améliorer la façon dont il communique avec le public l’information sur les sanctions autonomes, et ils ont demandé au gouvernement d’élaborer des directives claires concernant l’interprétation des règlements en matière de sanctions.
Après avoir entendu l’avis des 26 témoins experts, le comité est arrivé à la conclusion que le Canada doit énoncer les objectifs qu’il aimerait atteindre par l’imposition de sanctions et analyser les résultats obtenus de façon périodique.
Il ressort clairement de nos délibérations que le comité estime que la loi de Sergueï Magnitski et la Loi sur les mesures économiques spéciales sont des textes législatifs pertinents. Cependant, comme l’indique le rapport, le comité fait 19 recommandations pour améliorer la cohérence et l’application du régime de sanctions du Canada. J’aimerais souligner quelques-unes des recommandations les plus importantes.
La recommandation 19 demande au gouvernement de :
[...] modifie[r] la Loi sur les mesures économiques spéciales et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) afin d’exiger que les nouveaux règlements pris au titre de l’une ou l’autre de ces lois comportent une disposition de caducité qui fixerait une date pour l’expiration d’un régime de sanctions, à moins qu’il ne soit renouvelé avant la date d’expiration prévue.
Comme le comité l’a entendu, il existe de nombreux précédents concernant l’utilisation de dispositions de caducité et de lois sur les sanctions dans le monde entier, y compris par l’Union européenne et les Nations unies.
Au cours de la réunion du comité du 2 novembre 2022, Mme Meredith Lilly, une professeure à la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université Carleton, a résumé la nécessité d’avoir des dispositions de caducité. Mme Lilly a déclaré que ces mesures pourraient « [entraîner] la levée des sanctions devenues désuètes et inutiles et [contribuer] aussi à les dépolitiser ». Elle a ajouté que les dispositions de caducité automatiques :
[...] empêcheraient tout relâchement de la part des fonctionnaires et les obligeraient à demeurer au courant de l’évolution de la situation en prévision de la décision de renouvellement.
En gros, le comité recommande d’assortir les modifications apportées aux régimes de sanctions du Canada de dispositions de caducité afin de garantir que les lois soient toujours utilisées à leurs fins prévues et qu’elles soient régulièrement passées en revue, sans être politisées, par des décideurs bien informés.
À la recommandation 18, le comité recommande que les comités du Sénat et de la Chambre des communes mènent un examen approfondi des deux lois tous les 10 ans pour veiller à ce que les régimes de sanctions autonomes du Canada soient toujours adaptés à la situation géopolitique actuelle. Cette recommandation a été laissée volontairement non prescriptive afin que le gouvernement au pouvoir ait toute la souplesse nécessaire de déterminer comment modifier la loi de Magnitski à cet égard.
À mon avis, si l’objectif est d’assurer un examen en continu, les comités désignés du Sénat et de la Chambre des communes pourraient alterner les périodes de cinq ans de façon à ce que, concrètement, la loi de Magnitski et la Loi sur les mesures économiques spéciales fassent l’objet d’un examen aux cinq ans, et d’un examen par chaque comité aux 10 ans.
Par exemple, le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce a révisé les lois en 2023. Le comité de la Chambre des communes pourrait procéder à sa révision en 2028, puis ce serait au tour du Sénat en 2033, et ainsi de suite.
Les autres recommandations essentielles portent sur les communications; la coordination interministérielle; l’administration et l’application de la loi; la collaboration avec les alliés, la société civile et les milieux universitaires et de la recherche; et la radiation.
En ce qui concerne la coordination interministérielle, le comité souligne la mise sur pied d’un bureau spécialisé en matière de sanctions, sous la gouverne d’Affaires mondiales Canada, et la nécessité de veiller à ce que les fonctionnaires affectés aux travaux entourant les sanctions — surtout à la Gendarmerie royale du Canada, à l’Agence des services frontaliers du Canada, au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, au Service canadien du renseignement de sécurité et au Centre de la sécurité des télécommunications — soient très bien informés. Or, pour améliorer la coordination entre les ministères et les agences au Canada, il faut miser sur une collaboration plus étroite avec des entités similaires des instances gouvernementales avec qui le Canada entretient une relation d’allié.
En ce qui concerne la communication, j’ai été frappé par la mesure dans laquelle l’efficacité d’un régime de sanctions se résume à une meilleure communication avec le public concernant les effets et la mise en œuvre de sanctions autonomes. C’est pourquoi la recommandation 10 invite le gouvernement à fournir :
[...] des renseignements d’identification plus détaillés sur les personnes et les entités sanctionnées dans les règlements pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski).
Le comité recommande en outre :
[...] que le gouvernement inclue les renseignements d’identification détaillés dans la Liste consolidée des sanctions autonomes canadiennes, de même que les raisons qui expliquent l’inscription des individus et des entités.
Chers collègues, je ne vais pas réciter toutes les recommandations. Je souhaite simplement en souligner quelques‑unes qui me semblent particulièrement importantes.
J’encourage les intéressés parmi vous à lire le rapport, car il s’agit, je pense, d’un travail exceptionnel, dont je suis fier en tant que président, sur un sujet qui est à la fois crucial et opportun, compte tenu notamment de l’augmentation significative de l’utilisation, par le Canada et nos alliés, de sanctions autonomes depuis que la Russie a envahi l’Ukraine.
Je souhaite remercier les membres du comité et les autres sénateurs qui ont participé aux réunions, le personnel — en particulier les analystes du comité qui ont rédigé le rapport — et les témoins, sans le temps et les commentaires desquels l’étude n’aurait pas eu lieu et le rapport n’existerait pas.
Chers collègues, d’autres sénateurs voudront peut-être aussi prendre la parole au sujet du rapport. J’attends avec impatience de poursuivre le débat sur ce sujet. J’espère que cette motion et, par conséquent, le rapport seront adoptés très prochainement — c’est‑à‑dire très, très prochainement — afin que nous puissions maintenir l’élan et commencer à compter les 150 jours dont dispose le gouvernement pour fournir une réponse en bonne et due forme. Merci beaucoup.
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, compte tenu de l’avertissement du sénateur Boehm, j’ai décidé de prendre la parole maintenant plutôt que la semaine prochaine. Par conséquent, mes commentaires risquent d’être moins organisés que je ne le souhaiterais.
Je n’ai rien à redire au résumé du président et je tiens à le remercier, ainsi que le vice-président, le sénateur Harder, et tous mes collègues, pour l’excellent travail que nous avons accompli pour produire ce rapport.
Chers collègues, le rapport porte essentiellement sur les mécanismes de notre régime de sanctions et sur la manière dont nous pourrions l’améliorer. Il aborde notamment les questions de l’administration, de la clarté des outils de sanction, de la coordination avec les alliés, de l’établissement de rapports, ainsi que de la prise en compte des conséquences involontaires.
Nous avons toutefois consacré beaucoup moins de temps à la question de l’efficacité, c’est-à-dire à la question de savoir si les sanctions fonctionnent. Sur ce point, la conclusion la plus proche que nous ayons trouvée consiste à dire que c’est « difficile à évaluer », comme le mentionne le communiqué de presse officiel.
En ce qui concerne les critères traditionnels de mesure du succès des sanctions, c’est-à-dire le changement de comportement ou la dissuasion d’un mauvais comportement à l’avenir, je n’ai pas entendu un seul témoin affirmer sans équivoque que les sanctions avaient été couronnées de succès. En revanche, on nous a dit que les sanctions peuvent être considérées comme efficaces sur la base d’un certain nombre d’autres critères non traditionnels. Il s’agit notamment du désir de punir, de la nécessité de faire preuve de solidarité avec les alliés et de la nécessité de faire écho à l’opinion publique.
Malheureusement, ces critères non traditionnels ne sont pas ceux que nous avons donnés comme raisons officielles pour imposer des sanctions. Il s’agit peut-être des véritables raisons pour l’imposition par le Canada de sanctions, mais si c’est le cas, nous devons avoir l’honnêteté de le dire.
Si je soulève cette question, c’est parce que, ces derniers temps, nous sommes devenus les champions du monde des sanctions autonomes et que nous avons peut-être oublié, comme le sénateur Boehm l’a signalé à juste titre, que le recours aux sanctions n’est qu’un des nombreux outils diplomatiques à notre disposition pour résoudre des problèmes internationaux épineux, et que ce n’est peut-être pas le meilleur outil pour tous les problèmes.
Vous connaissez le vieux dicton qui dit que l’on a tendance à utiliser l’outil qu’on a devant soi pour corriger un problème. Si vous avez une masse, c’est ce que vous utiliserez, même si ce n’est peut-être pas le meilleur outil pour la tâche.
Les sanctions représentent essentiellement une forme de contrainte économique, et c’est quelque chose qui provoque évidemment un grand ressentiment chez ceux qui en sont la cible.
(1650)
Il y a prolifération du recours aux sanctions. Leur utilisation est de plus en plus répandue. On privilégie cette tactique à la mode, on en raffine les diverses formes et leur donne de l’expansion. C’est peut-être nécessaire, mais au bout du compte, cela témoigne de l’échec de la diplomatie. Je doute que cette situation mérite une médaille d’or.
C’est réellement préoccupant. Nous nous vantons à travers le monde d’être les champions des sanctions autonomes. Je me demande quels nouveaux critères nous utilisons pour nous attribuer ce titre. Méritons-nous la médaille d’or parce que nous sommes solidaires de nos alliés lorsqu’il s’agit d’imposer des sanctions? La méritons-nous parce que nous sommes les meilleurs pour punir les autres? Ou la méritons-nous parce que nous sommes les meilleurs sur le plan de l’avantage politique des sanctions, l’instinct populiste de vouloir intervenir lorsqu’une situation difficile survient? Je l’ignore. Cependant, je suis pas mal certain que nous n’avons pas encore la preuve que les critères traditionnels du changement de comportement et de la dissuasion ont été satisfaits pour justifier cette appropriation du premier prix.
Honorables sénateurs, ce problème est aggravé par un autre problème, celui de l’incohérence dans l’application des sanctions autonomes, qui, soit dit en passant, est l’une des conclusions de notre rapport, mais probablement une de celles qui ne recevront pas beaucoup d’attention. Elle est pourtant importante, car parler du problème de l’incohérence dans l’application des sanctions autonomes n’est pas qu’une simple tentative de détourner la question; ce problème sape fondamentalement la mince autorité morale sur laquelle nous nous appuyons pour imposer des sanctions en premier lieu. Ce problème fait l’objet d’une recommandation, et j’espère que nous y prêterons attention.
Les sanctions ont des conséquences réelles et à long terme pour les pays concernés, même lorsqu’elles tentent de cibler uniquement les personnes mal intentionnées. Il est difficile de s’en défaire une fois qu’elles sont appliquées, c’est pourquoi je suis tout à fait d’accord avec l’une des recommandations concernant la disposition de caducité pour les sanctions autonomes. Il s’agit là aussi d’une conclusion importante du rapport, et j’espère qu’elle fera l’objet d’une attention particulière.
Pour conclure, honorables sénateurs, la production de ce rapport a été un exercice très utile dans le cadre de notre examen législatif de la loi de Sergueï Magnitski. J’espère que le gouvernement le prendra au sérieux. Quand nous procéderons au prochain examen quinquennal ou, comme le suggère le sénateur Boehm, le prochain examen décennal, j’espère que nous pourrons dire avec une certaine satisfaction que nous avons réussi à réduire notre utilisation des sanctions et que nous employons les sanctions de manière plus judicieuse, non pas parce que nous aurons tourné le dos aux injustices dans le monde, mais parce que nous aurons trouvé un meilleur moyen de lutter contre elles. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Affaires étrangères et commerce international
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la situation au Liban—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Smith,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la situation au Liban et à déterminer si un envoyé spécial devrait être nommé, dès que le comité sera formé, le cas échéant;
Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2022.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’aimerais ajourner le débat sur la motion inscrite au nom du sénateur Housakos.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est ajourné.)
Le rôle et le mandat de la GRC
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Harder, c.p., attirant l’attention du Sénat sur le rôle et le mandat de la GRC, les compétences et capacités nécessaires pour que celle-ci remplisse son rôle et son mandat et comment elle devrait être organisée et dotée de ressources au XXIe siècle.
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 5 proposée par le sénateur Harder, attirant l’attention du Sénat sur le rôle et le mandat de la GRC, les compétences et capacités nécessaires pour que celle-ci remplisse son rôle et son mandat et comment elle devrait être organisée et dotée de ressources au XXIe siècle. J’aimerais parler de la proposition spécifique du sénateur Harder et également faire quelques commentaires sur les enjeux auxquels le pays est confronté aujourd’hui en matière de maintien de l’ordre.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’interpellation du sénateur Harder, sa portée est extrêmement large. Les aspects des questions que le sénateur soulève incluent le rôle de la GRC, le mandat de la GRC, les compétences et les capacités nécessaires pour que la GRC remplisse son rôle, les compétences et les capacités nécessaires pour que la GRC remplisse son mandat, la façon dont la GRC devrait être organisée au XXIe siècle et la façon dont la GRC devrait être dotée de ressources au XXIe siècle. Lorsque l’on examine la portée de ce rapport, on constate qu’il touche non seulement le rôle fédéral de la GRC, mais aussi son rôle dans huit provinces et trois territoires.
Nous devons nous rappeler que, dans le domaine des services de police fédéraux, la GRC est chargée de l’application de toutes les lois fédérales ordinaires; de la lutte antidrogue; de la lutte contre le trafic d’armes; de l’arrestation des fugitifs; de la protection du gouverneur général et du premier ministre, ainsi que de celle d’autres représentants officiels et diplomates à risque; de la sécurité de propriétés dans la région de la capitale nationale; du contre‑espionnage; de la contre-subversion; et de la lutte contre le terrorisme, des rôles dont elle s’acquitte en collaboration avec le Service canadien du renseignement de sécurité. Il y a aussi le mandat distinct de la GRC qui consiste à assurer les services de police dans huit des dix provinces canadiennes, dans de nombreuses municipalités de ces provinces, ainsi que dans les trois territoires.
Outre les questions soulevées par le sénateur Harder, lorsqu’on examine le rôle et le mandat de la GRC, on constate qu’il s’agit d’un domaine extrêmement vaste. Tous ces domaines sont liés à des questions très complexes de maintien de l’ordre, sans parler des importantes questions concernant le fonctionnement de l’appareil gouvernemental, questions qu’il faudrait probablement des années à comprendre et à régler.
Je comprends qu’il soit tentant de tirer des conclusions rapides, entre autre que le mandat de la GRC est trop vaste. Le sénateur Harder est déjà parvenu à cette conclusion. Voici d’ailleurs ce qu’il a déclaré en 2021 au sujet du mandat de la GRC, qui est :
[...] trop largement et trop lourdement axé sur un rôle de police provinciale, un rôle qui n’est plus approprié pour une organisation fédérale aussi essentielle.
Bref, mon ami le sénateur Harder est déjà arrivé à une conclusion. Je ne sais pas si c’était bien son intention, mais quelqu’un qui lit ses propos pourrait avoir l’impression qu’il est déjà arrivé à la conclusion qu’il faudrait fractionner la GRC. C’est peut-être ce que prône le sénateur, mais il ne faudrait pas sous‑estimer la complexité d’une telle idée, puisque que les huit provinces et les trois territoires concernés auraient probablement des points de vue différents.
Je sais que certaines provinces, dont l’Alberta, envisagent de créer un corps policier provincial. L’Ontario, le Québec et, dans une certaine mesure, Terre-Neuve-et-Labrador ont déjà des services de police provinciaux. Il n’est toutefois pas garanti que ce qui fonctionne dans certaines provinces fonctionnera aussi dans les autres. Le sénateur Harder avait tout à fait raison lorsqu’il a fait l’observation suivante :
Bon nombre de Canadiens, en particulier dans l’Ouest du pays, voient la GRC comme un service de police admiré pour sa façon mesurée et responsable de maintenir l’ordre dans leurs collectivités.
(1700)
C’est certainement l’expérience personnelle que j’en ai eue.
Dans les régions rurales du Manitoba, nous avons tous grandi avec la GRC, qui, selon mon expérience, a toujours offert un service exemplaire. Je pense aussi que bien des provinces ne seraient pas pressées de créer de nouveaux corps policiers provinciaux à partir de rien. Les coûts d’une telle transition sont potentiellement énormes, et le Canada n’a jamais été aussi endetté.
Honnêtement, je ne pense pas que, dans le contexte actuel, il serait judicieux d’avoir à assumer les coûts supplémentaires associés à l’établissement de nouveaux corps policiers provinciaux. À cet égard, je crois que nous devons faire preuve de prudence avant de sauter à la conclusion que, dans toutes les régions et dans toutes les provinces, la GRC, comme le sénateur Harder l’a dit, est trop grande pour réussir. De mon point de vue, c’est mettre la charrue devant les bœufs. Il y a de nombreux domaines associés au maintien de l’ordre que nous devons bien comprendre avant de pouvoir tirer une conclusion définitive.
Lorsque les Canadiens pensent à la vaste question du maintien de l’ordre au Canada, ils voudraient que nous nous attaquions à de nombreux problèmes avant de sauter à la conclusion que c’est l’organisation actuelle de la GRC qui est en cause. Je vais souligner quelques-uns de ces problèmes sur lesquels nous devrions nous pencher, selon moi, avant d’en arriver à une telle conclusion.
Pour commencer, le Canada connaît aujourd’hui un très grave problème de contrebande d’armes destinées à des organisations criminelles. Il est évident que le problème de la contrebande d’armes est à l’origine d’une grande partie de la violence dans nos centres urbains.
Nous constatons également un problème croissant en ce qui concerne la fabrication d’armes imprimées en 3D. J’ai récemment rencontré des policiers qui étaient très alarmés par l’ampleur que prend ce problème.
Concernant la contrebande d’armes, le chef de la police de Toronto, Myron Demkiw, a récemment déclaré à la Chambre des communes qu’environ 86 % des armes à feu utilisées à des fins criminelles qui ont été saisies avaient été introduites clandestinement au pays. Nous n’entendons pas beaucoup parler de cela. Ce que nous dit le gouvernement actuel, c’est qu’il veut cibler les tireurs sportifs et les collectionneurs respectueux de la loi, des personnes qui détiennent leurs armes à feu de manière légale et responsable depuis des décennies.
Nombreux sont ceux qui prennent leurs désirs pour des réalités. Ils pensent que si nous nous en prenons aux tireurs sportifs et aux collectionneurs de l’Ouest du Canada ou des régions rurales de l’Ontario et du Québec, les crimes commis avec des armes à feu à Toronto et dans d’autres centres urbains diminueront d’une manière ou d’une autre. Il s’agit d’une approche idéologique du contrôle des armes à feu qui ne tient pas compte du fait que la contrebande d’armes par le crime organisé et les gangs criminels, ainsi que la fabrication d’armes en 3D, sont à l’origine d’une grande partie du problème.
Il aurait été très utile que l’interpellation du sénateur Harder se concentre sur ce type de problème très précis, un problème qui a des conséquences réelles pour les Canadiens ordinaires. C’est un problème qui touche particulièrement les Canadiens qui vivent dans un grand nombre de nos centres urbains. Il a également un effet disproportionné sur les Canadiens qui vivent dans des endroits vulnérables directement touchés par le fléau de la violence armée et de la criminalité des gangs.
Si nous considérons le rôle de la GRC dans tout cela, les questions qui me semblent appropriées sont les suivantes : de quelles ressources la GRC dispose-t-elle pour mettre un terme à la contrebande d’armes à la frontière canado-américaine? Comment la GRC est-elle organisée pour mener à bien cette tâche? Serait-il judicieux de confier ce mandat à une agence spécialisée, comme celles qui existent aux États-Unis pour la contrebande transfrontalière? Ce type d’enquête est absolument nécessaire et il permettrait de s’attaquer à un problème réel qui ne cesse d’empirer.
Chers collègues, nous devons être plus conscients du fait que l’augmentation de la criminalité au Canada est un problème majeur pour les Canadiens. Trop souvent, dans cette enceinte, nous évoluons dans une bulle où l’idéologie prédomine, et nous fermons volontairement les yeux sur ce qui se passe à l’extérieur de cet édifice.
CBC/Radio-Canada a récemment publié des données de Statistique Canada qui indiquent que les crimes violents ont augmenté d’environ 30 % au Canada depuis 2015, l’année où le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir. Selon Statistique Canada, 2 millions d’actes criminels ont été commis au Canada en 2021. Cette même année, on a enregistré 788 homicides, soit 29 de plus qu’en 2020. Près de la moitié des près de 300 homicides par arme à feu commis au Canada ont été signalés par la police comme étant liés à des gangs. Ma province, le Manitoba, a enregistré le deuxième taux d’homicide le plus élevé du pays.
Je suis prêt à parier que les Canadiens s’intéressent davantage à la façon de rendre la GRC la plus efficace possible pour lutter contre la criminalité dans nos collectivités qu’à la façon de la réorganiser parce que certains sénateurs ont décidé d’avance que c’était un projet de trop grande envergure pour réussir.
Si on demande aux habitants du Manitoba quelle est leur préoccupation la plus urgente en ce qui concerne la GRC, je doute fort qu’ils répondent qu’il est urgent de se débarrasser de la GRC et de mettre en place une police provinciale. Ce que veulent les Manitobains, c’est qu’on s’attaque à la criminalité, et que tous les services de police obtiennent les ressources dont ils ont désespérément besoin.
Lors d’une récente rencontre avec des policiers de Winnipeg, ceux-ci m’ont expliqué que le nombre de crimes contre les biens avait explosé dans la ville. Ce phénomène est dû à l’augmentation de la consommation de drogues et à la toxicomanie.
De nos jours, le service de police de Winnipeg n’est pas en mesure de réagir efficacement aux crimes contre les biens parce qu’il est trop accaparé par les crimes violents liés à la drogue qui ont augmenté en partie à cause des lois laxistes et d’un système de justice prorécidive. Certains sénateurs rejettent instinctivement cette thèse, mais les preuves sont irréfutables.
Le National Post a récemment publié un rapport d’enquête qui montre comment le soi-disant approvisionnement sûr en drogues du gouvernement alimente une nouvelle crise des opioïdes. Dans le cadre de l’étude, 20 experts en soins de santé ont été interviewés et ont révélé qu’une grande partie des drogues dites plus sûres sont distribuées par l’intermédiaire de programmes financés par le gouvernement, puis vendues avec une marge de profit énorme sur le marché noir pour financer l’achat continu de fentanyl.
Comme les sénateurs le savent, le fentanyl a tué plus de 35 000 personnes depuis 2016. Il s’agit, chers collègues, d’un chiffre stupéfiant qui rivalise avec celui de la plupart des zones de guerre. Même si nous aimerions prétendre le contraire, le problème ne disparaît pas. Ces dernières années, les collectivités du Canada ont été inondées d’opioïdes bon marché. Dans le cadre de l’étude, un médecin a dit :
Je rencontre des patients dans mon bureau qui en achètent de grandes quantités et les expédient ensuite en Saskatchewan, au Manitoba et aux États-Unis, où il a beaucoup plus de valeur.
La consommation de drogues dans les rues de Winnipeg a contribué à alimenter l’explosion du nombre de crimes liés à la drogue. Il y a aussi le fait que les personnes qui commettent la plupart des crimes ont souvent tendance à appartenir au même groupe de criminels.
Un criminologue de l’Université de Winnipeg, Michael Weinrath, a analysé les problèmes. Il estime que les délinquants à risque élevé ne représentent que de 10 à 15 % de l’ensemble des délinquants mais commettent de 50 à 70 % des crimes. Comme il l’a déclaré dernièrement, « une petite proportion de récidivistes sont violents et commettent constamment des crimes violents... ».
Il s’agit d’un phénomène bien connu.
(1710)
Selon un reportage de la CBC diffusé l’année dernière, le Canada est aux prises avec un problème de multirécidivistes. Les multirécidivistes sont des individus qui commettent un pourcentage disproportionné des crimes. Ces criminels peuvent accumuler des dizaines, voire des centaines d’infractions, mais ils continuent de recevoir des peines légères à cause des lacunes de notre système. C’est un problème qui prend de l’ampleur partout au Canada.
L’année dernière, le BC Urban Mayors’ Caucus — un regroupement des maires de 13 collectivités urbaines en Colombie-Britannique qui représentent plus de la moitié de la population de la province — a rédigé une lettre à l’intention des ministres provinciaux pour leur demander de faire quelque chose pour régler le problème des multirécidivistes.
Malheureusement, les provinces sont limitées dans leur champ d’action. C’est pourquoi le gouvernement fédéral doit faire preuve de volonté à s’attaquer à cette problématique, notamment au moyen de la loi. Il faudrait aussi que les tribunaux et les juges acceptent d’accorder la priorité aux citoyens ordinaires et aux collectivités quand vient le temps de prendre une décision dans les cas des criminels à haut risque et des multirécidivistes.
En toute franchise, chers collègues, le droit des Canadiens d’être en sécurité à la maison et dans leur collectivité l’emporte sur le soi‑disant droit des multirécidivistes de circuler librement dans nos rues.
Je peux vous assurer que ce que les Manitobains souhaitent, c’est que notre pays se dote de lois rigoureuses pour que la police combatte efficacement la recrudescence de la criminalité et les gangs criminels qui sont à la source du problème et qui en profitent.
Un sondage réalisé en 2019 par Probe Research a révélé que le principal problème collectif des Manitobains était celui de la criminalité : 39 % des Manitobains considéraient ce problème comme leur principal problème collectif. Le problème de la drogue se classait au deuxième rang, à 20 %. Quatre ans plus tard, les préoccupations des Manitobains se sont multipliées.
Cela ne veut pas dire que le mandat ou l’organisation de la GRC ne devrait pas faire partie d’un débat plus vaste sur les services policiers, mais je pense qu’il est essentiel, lorsque l’on étudie la question de la police au Canada, de commencer par aborder les problèmes concrets rencontrés sur le terrain par les services de police canadiens.
L’un de ces problèmes concrets auxquels doivent faire face la GRC et de nombreux autres services de police est la pénurie d’agents de première ligne dans les rues. C’est certainement un problème dans ma province, le Manitoba. C’est pourquoi le ministre de la Justice du Manitoba, Kelvin Goertzen, a récemment tenu une réunion urgente avec le ministre Mendicino.
Le but de cette réunion consistait à aborder une question en particulier, soit le taux de postes vacants au sein de la GRC. Comme l’a souligné Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale, qui représente les membres de la GRC, le recrutement devient un défi très sérieux non seulement pour la GRC, mais aussi pour tous les services de police.
La pénurie d’effectifs policiers se traduit par des charges de travail insoutenables et des agents épuisés. Tout cela a des conséquences graves et négatives sur la sécurité des collectivités.
Ce problème, honorables collègues, n’est pas propre au Manitoba. On a observé récemment un taux de postes vacants de 20 % au sein de l’effectif autorisé de la GRC en Colombie‑Britannique, qui est d’environ 7 100 personnes. Ce problème ne touche pas non plus que la GRC. Des détachements de la Police provinciale de l’Ontario sont aussi décrits comme étant en manque d’effectifs, et en 2020, plus de 1 000 postes d’agent de première ligne étaient vacants, soit 26 % du total des postes d’agent de première ligne. Ce sont là de très graves lacunes opérationnelles.
Pourquoi ne règle-t-on pas ce grave problème qui touche nos services de police? Pourquoi le gouvernement du Canada fait-il plutôt une fixation idéologique sur l’élimination des peines minimales alors que la criminalité dans nos collectivités est en hausse? Voilà les problèmes sur lesquels le Sénat devrait se pencher.
En ce qui concerne les postes vacants à la GRC, les cadets de la gendarmerie sont recrutés dans des cohortes de formation qu’on appelle des troupes, chacune de ses troupes comprenant habituellement 32 cadets. On devrait former entre 30 et 50 troupes par année, ce qui permettrait d’ajouter environ 800 à 1 200 agents par année.
Selon les statistiques dont nous disposons, pour la GRC seulement, par exemple, il y a eu plus de 8 000 candidatures de personnes désirant se joindre aux effectifs en 2018-2019. Ainsi, pour une année seulement, il y avait environ huit fois plus de candidats que de postes de formation à pourvoir. Dans ce cas, comment se fait-il que le taux de recrutement ne semble pas suivre le nombre de candidatures? Pourquoi est-ce aussi difficile? Est-ce que nous formons même assez d’agents pour remplacer ceux qui quittent le service? Sinon, pourquoi?
Il s’agit de questions très précises que toute interpellation au Sénat devrait examiner.
Nous savons que la liste d’attente actuelle pour intégrer la GRC est longue. Certains candidats parlent d’une attente d’un an, de deux ans ou même de trois ans après le dépôt de leur demande. Pourquoi l’attente est-elle si longue? Quels sont les principaux problèmes de recrutement à la GRC? S’agit-il principalement d’un problème de capacité de formation à la Division Dépôt de la GRC? Pourquoi semble-t-il y avoir autant de lourdeurs bureaucratiques? Le recrutement à la GRC s’éloigne-t-il trop des notions de mérite et de satisfaction des besoins opérationnels les plus urgents?
Il ne semble pas y avoir de pénurie de candidats parmi les nombreux groupes démographiques du Canada. Nous savons, par exemple, que sur plus de 8 000 aspirants ayant soumis leur candidature en 2018-2019, 1 476 se sont identifiés comme membres d’une minorité visible, 357 se sont identifiés comme Autochtones et 1 489 étaient des femmes. Pourtant, pour une raison que je ne m’explique pas, il y a encore de graves pénuries de personnel au sein de la GRC. Pourquoi?
Les Canadiens comprendraient spontanément l’importance d’aborder honnêtement ces questions et d’y répondre.
Chers collègues, nous devons nous rappeler les immenses dangers auxquels les policiers sont confrontés chaque jour. Lorsque l’agent Grzegorz Pierzchala, de la Police provinciale de l’Ontario, a été tué juste après Noël dernier, il est devenu le cinquième policier tué au Canada à l’automne 2022.
Ensuite, nous avons appris la terrible nouvelle concernant le décès des agents Travis Jordan et Brett Ryan du service de police d’Edmonton. En avril, la sergente Maureen Breau de la Sûreté du Québec a été tuée lorsqu’elle a répondu à un appel. Maintenant, nous venons d’apprendre la mort tragique d’un autre agent de la police provinciale de l’Ontario, le sergent Eric Mueller, à Bourget, un peu à l’est d’Ottawa. Deux autres agents ont été blessés.
Il s’agit d’une situation terrible et sans précédent. Je tiens à offrir mes condoléances à la famille et aux amis du sergent Mueller, d’autant plus que le cortège funèbre et les services funéraires ont eu lieu plus tôt aujourd’hui. Sachez que nos pensées et nos prières vous accompagnent, ainsi que tous les agents de la police provinciale de l’Ontario et l’ensemble de la communauté de l’Est de l’Ontario, alors que vous pleurez la perte d’un homme dévoué, un homme qui a consacré sa vie au service des citoyens de sa collectivité.
En 2021, seulement deux policiers ont été tués au Canada, mais, au cours des sept derniers mois, neuf policiers ont été victimes de meurtre et un agent de la GRC, l’agent Harvinder Singh Dhami, est décédé dans une collision alors qu’il répondait à un appel.
(1720)
L’augmentation de la violence criminelle au Canada, les prisons surpeuplées et les attaques de plus en plus fréquentes contre nos policiers sont les problèmes qui devraient nous préoccuper le plus.
Ne vous y trompez pas. Je félicite le sénateur Harder pour ses sentiments et ses préoccupations, mais à mon avis, il serait plus productif que nous nous concentrions sur les problèmes immédiats de maintien de l’ordre au Canada.
Par la suite, si c’est nécessaire, nous pourrons nous tourner vers les questions d’ordre organisationnel. Toutefois, nous devrions commencer par admettre que les Canadiens voient quotidiennement des problèmes de maintien de l’ordre bien réels.
Merci.
L’honorable Peter Harder : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Plett : Certainement.
Le sénateur Harder : Merci beaucoup de votre intervention. J’aimerais également disposer d’un temps illimité. Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour votre contribution. J’aimerais cependant que vous nous parliez davantage, si vous le voulez bien, de votre suggestion de créer une entité distincte pour surveiller la frontière, au moins en ce qui concerne le trafic d’armes ou de substances illégales vers notre pays. Proposez-vous que le rôle de la GRC en tant que service de police fédéral soit divisé?
Le sénateur Plett : Eh bien, je pense que je dois relire mon discours. Je ne pensais pas avoir dit cela, sénateur Harder.
Le sénateur Harder : Je pense qu’une seule fois convient parfaitement, mais je trouve qu’il est un peu incongru de dire que nous ne devrions pas envisager de changements dans l’appareil gouvernemental, alors que vous proposez une patrouille frontalière à l’américaine, qui empiéterait, bien entendu, sur le mandat actuel de la GRC. Je vous suggère de réfléchir aux autres changements que vous souhaiteriez apporter à la police fédérale.
Le sénateur Plett : Comme vous le savez, sénateur Harder, j’ai répondu aujourd’hui à une interpellation voulant que la GRC soit une organisation trop vaste, comme vous l’avez dit. Or, je ne pense pas qu’elle soit trop vaste. J’ai présenté un certain nombre de façons par lesquelles je pense que la GRC pourrait élargir son mandat sans que nous ayons nécessairement à nous en débarrasser.
Le sénateur Harder : Êtes-vous en train de retirer votre suggestion d’une agence frontalière distincte?
Le sénateur Plett : Je vais répondre avec le sourire, contrairement au leader du gouvernement lorsqu’il répond à mes questions. Non, ce n’est pas ce que je fais. Je ne retire aucun des propos que j’ai tenus et je ne suggère pas d’établir une force policière distincte à cette fin. Ce que je dis, c’est que la GRC est parfaitement capable de faire ces deux tâches. Ses agents peuvent facilement marcher et mâcher de la gomme en même temps. Je pense que leur mandat pourrait être étendu pour faire exactement ce que j’ai dit.
Le sénateur Harder : J’accueille volontiers votre sourire.
Son Honneur la Présidente : Était-ce une question, sénateur Harder?
L’honorable Hassan Yussuff : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Plett : Oui.
Le sénateur Yussuff : Sénateur Plett, je vous remercie beaucoup de vos observations. Je tâcherai de ne pas juger vos différences d’opinions aussi durement que mon collègue. Toutefois, il serait convenable de dire qu’une organisation créée en 1867 aurait besoin qu’on en examine le fonctionnement et sa satisfaction des besoins du pays.
Comme toute autre institution nationale, la GRC doit faire l’objet d’un examen pour vérifier sa capacité à s’adapter aux temps modernes. Comme nous le savons, de nos jours, la cybersécurité et la cybercriminalité sont probablement plus courantes que jamais auparavant. Évidemment, lorsque la GRC a été créée, ces choses n’étaient pas une priorité. Elles le sont toutefois maintenant. Elles constituent une priorité sérieuse et, bien sûr, la GRC fait de son mieux pour s’y adapter.
J’oserais dire qu’en 2023, les services de police municipaux et provinciaux ont évolué. Nous le constatons notamment en Ontario et au Québec. Nous pourrions certainement trouver d’autres provinces prêtes à assumer cette responsabilité, puisque cela a du sens pour elles tant sur le plan politique que sur le plan économique. Certes, je crois que vous conviendrez que nous devons examiner cette organisation. Cela pourrait notamment donner lieu à des recommandations sur les façons dont nous pouvons moderniser la GRC pour mieux répondre aux besoins du pays. Je ne crois pas que cela diverge trop de ce que cette interpellation vise à accomplir. Ne croyez-vous pas?
Le sénateur Plett : Je tiens d’abord à dire que je ne pense pas que le sénateur Harder ait été aussi méchant que vous le laissez entendre. Comme je l’ai dit à maintes reprises, sénateur Yussuff, nous pouvons choisir nos amis. Je vous choisis donc comme ami. Nous ne pouvons cependant pas choisir notre famille, et le sénateur Harder en fait partie. Néanmoins, je le considère comme un ami aussi bien que comme un membre de ma famille.
Vous savez, sénateur Yussuff, je ne suis pas sûr qu’il y ait quoi que ce soit dans le discours que j’ai prononcé — encore une fois, comme je l’ai déjà proposé au sénateur Harder, je pourrais relire mon discours. Après tout, je dispose d’un temps illimité, et nous pourrions nous assurer que j’ai bien dit certaines des choses que vous soutenez que j’ai dites, mais je suis tout à fait d’accord avec vous : la GRC doit faire l’objet d’un examen. Je félicite le sénateur Harder d’avoir lancé une interpellation à ce sujet, comme je crois l’avoir dit à la fin de mon intervention. Il n’y a rien de mal à tenter de trouver des solutions.
Cependant, quand vous soutenez qu’il serait sensé, d’un point de vue politique, de créer une organisation de police provinciale — je ne suis pas certain que c’est ce que vous avez dit, mais vous y avez au moins fait allusion —, je suis désolé, mais vu la conjoncture économique, je serais porté à accorder plus de poids aux arguments économiques qu’aux arguments politiques. Nous n’avons pas les moyens de mettre en place de nouvelles organisations policières et, même si certains ici pensent que la GRC est devenue trop grosse, je ne crois pas que ce soit ce que pensent les Manitobains. Je pense que, dans l’ensemble, les gens du Manitoba sont très satisfaits du travail de la GRC. Comme je l’ai mentionné au début de mon discours, l’Alberta étudie la possibilité de créer une telle organisation.
Je ne serais pas prêt à dire que les services de police en Ontario ou au Québec sont meilleurs qu’au Manitoba. Ce commentaire ne se veut pas une critique à leur endroit, parce que, heureusement — dans les dernières décennies du moins —, je n’ai pas souvent eu à faire avec les forces de l’ordre — toutes provinces confondues —, et j’en suis bien content.
Je suis bien satisfait des services offerts par la GRC au Manitoba et je n’ai rien à redire à leur sujet. Je considère que je suis très bien servi par le Service de protection parlementaire ici, dans la Cité parlementaire, ainsi que par le Service de police d’Ottawa, la Police provinciale de l’Ontario et, assurément, quand je dois aller au Québec, par la Sûreté du Québec.
Je ne dis pas qu’un service de police provinciale est moins bon. Je ne suis simplement pas certain qu’il soit meilleur. Je pense que la GRC nous a bien servis depuis les débuts de la Confédération. J’éprouve comme un sentiment de fierté quand j’aperçois ces uniformes; bon, je suis peut-être un peu traditionaliste, c’est vrai. Parfois, je voudrais que les agents de la GRC soient encore présents sur la Colline et qu’on voie leurs uniformes.
(Le débat est ajourné.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité de déposer son rapport sur l’étude du Cadre fédéral de prévention du suicide auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Jane Cordy, conformément au préavis donné le 11 mai 2023, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 30 juin 2023, un rapport portant sur son étude du Cadre fédéral de prévention du suicide, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite au nom la sénatrice Omidvar.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 17 h 29, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 30 mai 2023, à 14 heures.)